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    1- Grandma

     

    Un samedi matin, la mère de Georges Bouillon dit à son fils.

     

    — Je vais faire des courses au village. Sois sage et ne fais pas de

     

    bêtises.

     

    Voilà exactement ce qu’il ne faut pas dire à un petit garçon, car

     

    cela lui donne aussitôt l’idée d’en faire !

     

    — Et à onze heures, n’oublie pas de donner sa potion à Grandma,

     

    poursuivit la mère.

     

    Puis elle sortit en refermant la porte.

     

    Grandma, qui sommeillait dans son fauteuil, près de la fenêtre,

     

    ouvrit un petit oeil méchant.

     

    — Tu as entendu ce qu’a dit ta mère, Georges, aboya-t-elle.

     

    N’oublie pas ma potion.

     

    — Non, Grandma, dit Georges.

     

    — Et pour une fois, sois sage tant qu’elle n’est pas là.

     

    — Oui, Grandma, dit Georges.

     

    Georges s’ennuyait à mourir. Il n’avait ni frère ni soeur. Son père

     

    était fermier et, comme la ferme était loin de tout, Georges n’avait pas

     

    d’amis avec qui jouer. Il en avait assez de contempler les cochons, les

     

    poules, les vaches et les moutons. Et surtout, il en avait par-dessus la

     

    tête de vivre dans la même maison que cette vieille ourse mal léchée

     

    de Grandma. Passer son samedi matin à s’occuper d’elle ne le

     

    réjouissait guère.

     

    — Prépare-moi une petite tasse de thé, dit Grandma à Georges.

     

    Ça t’empêchera de faire des bêtises pendant un moment.

     

    — Oui, Grandma, répondit Georges.

     

    Georges n’y pouvait rien, il détestait Grandma. C’était une vieille

     

    femme grincheuse et égoïste qui avait des dents jaunâtres et une petite

     

    bouche toute ridée comme le derrière d’un chien.

     

    — Combien de cuillerées de sucre dans ton thé, aujourd’hui,

     

    Grandmère ? demanda Georges.

     

    — Une, répondit-elle sèchement. Et n’ajoute pas de lait.

     

    La plupart des grand-mères sont d’adorables vieilles dames,

     

    gentilles et serviables, mais pas celle-là. Elle passait sa journée, toutes

     

    ses journées, assise dans son fauteuil, près de la fenêtre et elle était

     

    tout le temps en train de se plaindre, de bougonner, de ronchonner, de

     

    râler et de pester sur tout et sur rien. Jamais, même dans ses bons

     

    jours, elle n’avait souri à Georges, jamais elle ne lui avait dit : « Bonjour,

     

    Georges, comment ça va ? » ni : « Et si on jouait au jeu de l’oie ? » ni :

     

    « Comment ça s’est passé à l’école aujourd’hui ? » Elle ne s’intéressait

     

    qu’à elle. C’était une affreuse vieille mégère.

     

    Georges alla à la cuisine et prépara une tasse de thé avec un

     

    sachet. Il mit une cuillerée de sucre en poudre, remua et apporta la

     

    tasse dans la salle de séjour.

     

    Grandma but une petite gorgée de thé.

     

    — Il n’est pas assez sucré, dit-elle. Ajoute un peu de sucre.

     

    Georges ramena la tasse dans la cuisine et ajouta une autre

     

    cuillerée de sucre. Puis il remua et rapporta la tasse à Grandma.

     

    — Où est la soucoupe ? demanda-t-elle. Je veux une soucoupe

     

    avec ma tasse.

     

    Georges partit chercher une soucoupe.

     

    — Et la cuillère, s’il te plaît ?

     

    — J’ai remué pour toi, Grandma. J’ai bien remué.

     

    — Merci bien, je remue mon thé, moi-même, dit-elle. Va me

     

    chercher une cuillère.

     

    Georges alla chercher la cuillère.

     

    Quand les parents de Georges étaient à la maison, Grandma ne se

     

    montrait jamais aussi capricieuse. Mais quand elle restait seule avec lui,

     

    elle le rudoyait sans cesse.

     

    — Tu sais ce qui ne va pas, chez toi ? dit la vieille femme, en

     

    regardant Georges de ses petits yeux brillant de méchanceté. Tu

     

    grandis trop vite. Grandir est une sale manie des enfants.

     

    — Mais on doit grandir, Grandma. Si on ne grandit pas, on ne

     

    devient jamais une grande personne.

     

    — C’est idiot, mon garçon, dit-elle. Idiot. Regarde-moi. Est-ce que

     

    je grandis, moi ? Sûrement pas.

     

    Georges regarda attentivement Grandma. Elle était véritablement

     

    minuscule. Ses jambes étaient si courtes qu’il lui fallait un tabouret

     

    pour poser ses pieds, et sa tête n’arrivait qu’à la moitié du dossier du

     

    fauteuil.

     

    — Papa m’a dit que c’était bien pour un homme d’être grand, dit

     

    Georges.

     

    — N’écoute pas ton papa, dit Grandma. Ecoute-moi.

     

    — Mais, comment faire pour ne plus grandir ? demanda

     

    Georges.

     

    — Mange moins de chocolat ! Mange plutôt du chou.

     

    — Du chou ? Oh, non ! protesta Georges. Je n’aime pas le chou.

     

    — Que tu aimes ou pas, peu importe, coupa Grandma. Ce qui

     

    compte, c’est ce qui est bon pour toi. À partir de maintenant, tu

     

    mangeras du chou trois fois par jour. Des montagnes de choux. Et tant

     

    mieux s’il y a des chenilles !

     

    — Berk ! fit Georges. Jamais je n’en mangerai !

     

    — Mmm, c'est délicieux, reprit-elle. Les vers, les limaces, les

     

    punaises, les insectes... Tu ne sais pas ce qui est bon !

     

    — Grandma, c’est dégoûtant !

     

    La vieille mégère sourit en montrant ses dents jaunâtres.

     

    Georges se mit à filer vers la porte. Il voulait fuir loin de cette

     

    écoeurante vieille femme.

     

    — Tu essaies de t’enfuir, n’est-ce pas ? dit-elle en pointant son

     

    doigt vers lui. Tu veux abandonner ta Grandma.

     

    Il fixait la vieille mégère. Elle le fixait, elle aussi.

     

    « C’est peut-être... une sorcière ! » se dit-il

     

    Il recula d’un pas, se rapprochant un peu plus de la porte.

     

    — Tu ne dois pas avoir peur de ta vieille Grandma, dit-elle, avec

     

    un sourire sinistre.

     

    Un picotement électrique parcourut la colonne vertébrale de

     

    Georges. Il commençait à avoir peur.

     

    — Certains d’entre nous, continua la vieille sorcière, ont du feu au

     

    bout de la langue, des étincelles dans le ventre et des éclairs au bout

     

    des doigts...

     

    Georges reculait encore en trébuchant. Elle poursuivait…

     

    — Certains connaissent des secrets qui te feraient dresser les

     

    cheveux sur la tête et jaillir les yeux hors des orbites. Nous savons ce

     

    qu’il faut faire pour que tu te réveilles un beau matin avec une longue

     

    queue par-derrière.

     

    Georges claqua la porte derrière lui et se réfugia dans la cuisine.

     

    2- Un plan diabolique

     

    Georges s’assit à la table de la cuisine. Il tremblait encore. Il

     

    haïssait vraiment cette horrible vieille sorcière. Et tout à coup, il eut

     

    une terrible envie de faire quelque chose Une chose énorme. Une

     

    chose absolument terrifiante. Une chose abominable : il voulait se

     

    débarrasser d’elle

     

    Enfin... pas tout à fait. Il voulait la secouer un peu.

     

    Exactement, la secouer.

     

    Il aurait bien mis un pétard sous le fauteuil, mais il n’avait pas de

     

    pétard.

     

    Il aurait bien aimé lui glisser un long serpent vert dans le cou,

     

    mais il n’avait pas de long serpent vert.

     

    Il aurait bien aimé lâcher six gros rats, noirs dans la pièce où elle

     

    se trouvait, mais il n’avait pas six gros rats noirs.

     

    Son regard tomba alors sur la potion brunâtre de Grandma,

     

    posée sur le buffet. Encore un sale truc. On glissait dans la bouche de

     

    Grandma une cuillerée de ce médicament quatre fois par jour, mais il

     

    ne lui faisait aucun bien. Elle restait toujours aussi épouvantable.

     

    « O ! Oh ! pensa soudain Georges. Ah ! ah ! Eh ! eh ! je sais

     

    exactement ce que je vais faire. Je vais lui préparer une nouvelle

     

    potion, une potion si forte, si violente et si fantastique qu’elle la guérira

     

    complètement ou lui fera sauter la cervelle ! Je fabriquerai une

     

    potion magique, un médicament qu’aucun médecin n’a j ama i s

     

    inventé jusqu’à présent. »

     

    Georges regarda l’horloge de la cuisine. Il était dix heures cinq. Il

     

    avait presque une heure devant lui, puisque Grandma devait prendre

     

    son médicament à onze heures.

     

    — Allons-y ! s’écria-t-il en se levant d’un bond. Vive la potion

     

    magique !

     

    Bouchez-vous le nez !

     

    Et une cuillerée pour Grandma !

     

    Allons, avale-moi ça !

     

    C’est bon, n’est-ce pas ?

     

    Va-t-elle éclater ? Exploser ?

     

    S’envoler par-dessus les toits ?

     

    S’évanouir dans la fumée ?

     

    Pétiller comme du Coca ?

     

    Qui sait ? En tout cas, pas moi ?

     

    Ma chère, chère Grand-maman,

     

    Si tu savais ce qui t'attend...

     

    Georges prit un énorme chaudron dans le placard de la cuisine et

     

    le posa sur la table.

     

    — Georges ! Que fais-tu ? cria la voix aiguë de Grandma dans

     

    la pièce voisine.

     

    — Rien, Grandma, répondit-il.

     

    — Tu crois que je ne t'entends pas parce que tu as fermé la

     

    porte ? Et ce bruit de casserole ?

     

    — Je range la cuisine, Grandma.

     

    Puis ce fut le silence.

     

    Georges savait bien ce qu’il allait faire pour préparer sa fameuse

     

    potion. Inutile de se casser la tête. C’était simple, il mettrait TOUT ce

     

    qui lui tomberait sous la main. Tout ce qu’il verrait de coulant, gluant

     

    ou poudreux, il le jetterait dans le chaudron.

     

    Il décida de fouiller toutes les pièces de la maison, une à une.

     

    Dans la salle de bains, il regarda la fameuse et redoutable armoire

     

    à pharmacie. Malgré son envie de donner un sacré remontant à

     

    Grandma, Georges ne voulait pas rester avec un cadavre sur les bras.

     

    Sans rien prendre dans cette armoire, il posa le chaudron par terre et

     

    se mit à l'ouvrage.

     

    Tout d’abord, il trouva un flacon de shampooing cheveux gras. Il

     

    le vida dans le chaudron.

     

    « Ça lui nettoiera gentiment l’estomac », dit-il.

     

    Il prit un tube de dentifrice et le pressa entièrement, faisant jaillir

     

    un long serpent de pâte verte.

     

    « Ça fera peut-être briller ses horribles dents jaunâtres », dit-il.

     

    Il y avait une bombe de supermousse à raser appartenant à son

     

    père. Georges adorait jouer avec les bombes. Il appuya sur le bouton et

     

    la vida. Une magnifique montagne de mousse blanche s’éleva dans le

     

    chaudron.

     

    Suivit un flacon de vernis à ongles écarlate.

     

    Il ajouta de même :

     

    - un pot de crème dépilatoire

     

    - un flacon rempli de liquide jaune : lotion miracle antipelliculaire.

     

    - une deuxième bombe : déodorant corporel, garanti pour

     

    éliminer toutes les odeurs pendant 24 heures.

     

    « J’en ai fini avec la salle de bains », pensa-t-il en jetant un

     

    dernier coup d’oeil autour de lui.

     

    Dans la chambre de ses parents, sur la coiffeuse de sa mère, il

     

    découvrit avec joie une troisième bombe. Laque : « Vaporisez

     

    doucement à trente centimètres de vos cheveux. » Il vaporisa toute la

     

    bombe dans le chaudron. Il adorait jouer avec les aérosols !

     

    Un flacon de parfum, Fleur de navet, qui sentait le vieux fromage.

     

    Au chaudron, le parfum !

     

    Deux tubes de rouge à lèvres. Il retira les deux bâtonnets rouges

     

    et graisseux et les ajouta à la mixture.

     

    Georges redescendit ensuite au rez-de-chaussée, vers la

     

    buanderie où étaient rangés les produits de nettoyage.

     

    Le premier qu’il trouva fut un grand paquet de superblanc pour

     

    machines à laver automatiques. Grandma était-elle ou non

     

    automatique ? En tout cas, c’était sûrement une vieille femme sale.

     

    « Il faut y mettre tout le paquet », dit-il en versant la lessive.

     

    Puis un petit paquet rond en carton de poudre insecticide pour

     

    chiens : « Attention : à éloigner de toute nourriture. Si le chien avale

     

    cette poudre, il risque d’exploser. »

     

    « Parfait ! » dit Georges en renversant la poudre dans le

     

    chaudron.

     

    Sur l’étagère, un autre paquet : nourriture pour canaris.

     

    « Ça fera chanter la vieille perruche », dit-il en vidant le

     

    paquet.

     

    Il décida que ça suffisait. « Ouf ! Ça y est ! » s’écria-t-il.

     

    — Georges ! cria la voix perçante de Grandma venue d'en haut.

     

    À qui parles-tu ? Que mijotes-tu ?

     

    — Rien, Grandma, absolument rien, répondit-il.

     

    — N’est-il pas l’heure de prendre ma potion ?

     

    — Non, Grandma, ce sera dans une demi-heure.

     

    — Bon, surtout ne l’oublie pas.

     

    — Oh, non, Grandma, répliqua Georges . Je ne pense qu’à ça !

     

    3- À gros bouillons

     

    Revenu dans la cuisine, Georges posa le chaudron sur le fourneau

     

    et alluma le gaz à feu vif.

     

    — Georges ! cria à nouveau l’affreuse voix de Grandma dans la

     

    pièce voisine. C’est l’heure de prendre ma potion !

     

    — Pas encore, Grandma, répondit Georges. Il n’est que onze heures

     

    moins vingt.

     

    — Qu’est-ce que tu fabriques ? cria la grand-mère. J’entends des

     

    bruits.

     

    Georges estima qu’il valait mieux ne pas répondre. Il trouva une

     

    longue cuillère en bois dans un tiroir et se mit à tourner vivement la

     

    potion. Cela commençait à chauffer.

     

    Bientôt, la potion se mit à mousser et à écumer. Une épaisse fumée

     

    bleue, couleur plume de paon, s’éleva et une odeur épouvantable

     

    envahit la cuisine.

     

    Et Georges dansa près du chaudron qui bouillait à gros bouillons, et

     

    se mit à chanter cette étrange chanson qui lui passait par la tête :

     

    Hourra ! Cornes à la sorcière,

     

    Vive la chaudière !

     

    Hourra ! Cornes à la potion,

     

    Vive le chaudron !

     

    Pétille, clapote, barbouille,

     

    Siffle, crachote, gargouille !

     

    Fais tes prières, Grand-mère !

     

    Georges arrêta le gaz. Il fallait laisser refroidir la potion un bon

     

    moment.

     

    Quand la fumée et l’écume se calmèrent, il jeta un coup d’oeil dans

     

    le chaudron pour voir la couleur de sa potion. Elle était bleu vif.

     

    « Ajoutons du marron, dit Georges. Si ma potion n’est pas brunâtre,

     

    Grandma aura des soupçons. »

     

    Georges se précipita dans l’atelier où son père rangeait les

     

    peintures. Sur les étagères, il y avait des pots de toutes les couleurs, noir,

     

    vert, rose, rouge, blanc et marron. Il s’empara du pot marron : peinture

     

    marron chocolat. Un litre. Il enleva le couvercle à l’aide d’un tournevis. Le

     

    pot était plein aux trois quarts. Il revint en courant dans la cuisine, et

     

    versa la peinture dans le chaudron. Très doucement, il mélangea la

     

    peinture à la potion avec la longue cuillère de bois. Elle devenait

     

    marron ! Un magnifique marron foncé.

     

    — Et alors, ma potion ? cria la voix de Grandma depuis le séjour. Tu

     

    m’as oubliée ! Tu l’as fait exprès ! Je le dirai à ta mère !

     

    — Je ne t’ai pas oubliée, Grandma, cria Georges.

     

    — Méchant asticot ! aboya la voix. Vermisseau fainéant et

     

    désobéissant !

     

    Georges avait ramené le chaudron dans la maison. Il prit le vrai

     

    flacon de potion sur le buffet. Il le déboucha et le vida dans l’évier. Puis il

     

    remplit le flacon avec sa « potion magique » et remit le bouchon. Il fit

     

    couler dessus le robinet d’eau froide pendant deux minutes.

     

    Maintenant, tout était prêt ! Le grand moment était arrivé !

     

    — C’est l’heure de prendre ta potion, Grandma, cria-t-il.

     

    — Enfin, ce n'est pas trop tôt ! grogna-t-elle.

     

    La cuillère en argent qu’on utilisait pour la potion de

     

    Grandma était posée sur le buffet. Il s’en saisit.

     

    Et c’est la cuillère d’une main et le flacon de l’autre qu’il entra dans

     

    la salle de séjour...

     

    4- Grandma boit la potion

     

    Grandma était recroquevillée dans son fauteuil prés de la fenêtre.

     

    Ses petits yeux méchants scrutèrent Georges quand il traversa la pièce.

     

    — Tu es en retard ! cria-t-elle.

     

    — Pas du tout, Grandma.

     

    — Ne me coupe pas au milieu d’une phrase ! hurla-t-elle.

     

    — Il est exactement onze heures, Grandma.

     

    — Tu mens comme d’habitude. Arrête de jacasser et donne-moi

     

    mon médicament.

     

    — Vas-tu l’avaler d’un seul coup ? lui demanda Georges. Ou à

     

    petits coups ?

     

    — Ça ne te regarde pas, répond la vieille femme. Remplis la

     

    cuillère.

     

    Il déboucha le flacon et versa lentement l’épais liquide dans la

     

    cuillère. Il ne pouvait pas s’empêcher de penser aux merveilleux

     

    ingrédients de la potion magique : la mousse à raser, la crème

     

    dépilatoire, la lotion antipelliculaire, le détergent pour machines à laver

     

    automatiques, la poudre insecticide pour chiens et le reste, sans oublier

     

    la peinture marron.

     

    La vieille sorcière ouvrit sa petite bouche ridée en découvrant ses

     

    dents jaunes et dégoûtantes.

     

    — Allons-y ! Avale vite !

     

    Il introduisit la cuillère dans la bouche de Grandma et fit couler la

     

    potion. Puis, il recula d’un pas pour regarder le résultat.

     

    Quel spectacle !

     

    — Ouiche ! cria Grandma.

     

    Son corps bondit en l’air, comme si son fauteuil avait été une chaise

     

    électrique et... elle ne retombait pas !

     

    Elle restait là... suspendue à environ un demi-mètre au-dessus du

     

    fauteuil... toujours assise... raide...tremblante... les yeux fixes... les

     

    cheveux dressés sur la tête.

     

    — Tu ne te sens pas bien ? lui demanda poliment Georges. Qu’estce

     

    qui ne va pas ?

     

    Entre le sol et le plafond, la vieille dame n’arrivait pas à articuler

     

    un mot. Le choc devait être terrible. On aurait dit qu’elle avait avalé un

     

    tisonnier brûlant.

     

    Puis, plop ! elle retomba sur son siège.

     

    — Appelle les pompiers ! cria-t-elle soudain. J’ai l’estomac en feu !

     

    — Ce n’est que le médicament, Grandma, dit Georges. C’est un

     

    bon remontant.

     

    — Au feu ! s’égosillait la vieille ! Un seau d’eau ! Une lance à

     

    incendie ! Vite, dépêche-toi !

     

    — Calme-toi, Grandma, dit Georges.

     

    Mais il fut impressionné quand il vit qu’elle crachait de la fumée

     

    par la bouche et par les narines. D’épais nuages de fumée noire

     

    sortaient de son nez et se répandaient dans la pièce.

     

    — Tu flambes, dit Georges.

     

    — Bien sûr je flambe ! hurla-t-elle. Je fris comme un lardon. Je

     

    bous comme un bouillon.

     

    Georges courut dans la cuisine chercher une cruche d’eau.

     

    — Ouvre la bouche, Grandma ! cria-t-il.

     

    A travers la fumée, il ne voyait pas bien, mais il réussit à vider le

     

    quart de la cruche dans le gosier de Grandma. Son estomac grésilla

     

    comme lorsqu’on fait couler de l’eau froide dans une poêle brûlante.

     

    Elle hennit comme un cheval. Elle cracha des trombes d’eau. Puis la

     

    fumée disparut.

     

    — Tu vas très bien maintenant, Grandma ? demanda Georges

     

    — Très bien ? J’ai de la dynamite dans le bide ! Une grenade dans

     

    la bedaine ! Une bombe dans les boyaux !

     

    Elle bondissait sur son fauteuil. Surement, elle n’était pas très à

     

    l’aise.

     

    — Cette potion va te faire beaucoup de bien, tu verras, Grandma,

     

    dit Georges.

     

    — Du bien ! hurla-t-elle. Du bien ! elle est en train de me tuer !

     

    Puis son ventre commença à ballonner. Elle gonflait de partout

     

    comme un ballon ! Allait-elle exploser ? Son visage violacé devenait

     

    verdâtre.

     

    Mais attendez ! Soudain, elle eut une crevaison. Georges entendit

     

    le sifflement d’une fuite. Elle rapetissait, reprenant peu à peu son vieil

     

    aspect ratatiné.

     

    — Tout va bien, Grandma ? demanda Georges.

     

    Elle ne répondit pas, mais arriva alors une chose amusante. Elle se

     

    tortilla puis se dégagea d’un coup sec de son fauteuil et atterrit des

     

    deux pieds sur le tapis.

     

    Extraordinaire, Grandma ! s’exclama Georges. Ça fait des années

     

    que tu n’as pas été debout ! Regarde ! Tu tiens sur tes jambes sans

     

    canne !

     

    « Fantastique ! Qu’arrive-t-il maintenant à cette vieille sorcière ?,

     

    se disait-il. »

     

    Il eut vite une réponse. Elle se mit soudain à grandir. Très

     

    lentement au début... quelques millimètres... quelques centimètres...

     

    puis de plus en plus vite : trois centimètres à la seconde. Quand elle eut

     

    atteint un mètre quatre-vingts, Georges sursauta en s’écriant :

     

    — Eh, Grandma ! Tu grandis ! Tu grandis ! Attention, Grandma !

     

    Attention au plafond !

     

    Mais Grandma ne s’arrêtait pas.

     

    C’était vraiment un spectacle fantastique de voir cette vieille

     

    décharnée devenir de plus en plus grande et de plus en plus fine,

     

    comme un élastique étiré par des mains invisibles.

     

    Quand sa tête atteignit le plafond, Georges pensa qu’elle serait

     

    obligée de s’arrêter.

     

    Mais non ! Il y eut un crissement, et des morceaux de ciment

     

    tombèrent par terre.

     

    — Arrête-toi de grandir, Grandma, dit Georges. Papa vient juste

     

    de repeindre cette pièce.

     

    Mais elle ne le pouvait pas ! Bientôt, sa tête et ses épaules

     

    disparurent complètement à travers le plafond. Et elle grandissait

     

    toujours.

     

    Georges monta vite dans sa chambre. La tête de Grandma

     

    surgissait du parquet comme un champignon.

     

    — Youpi ! fit-elle, me voilà !

     

    — Tout doux, Grandma, dit Georges, c’est ma chambre ! Regarde

     

    plutôt le gâchis !

     

    — Quelle merveilleuse potion ! cria-t-elle. Donne-m’en un peu plus.

     

    « Elle radote », pensa Georges.

     

    — Allons, mon garçon ! reprit-elle. S'il te plaît, une autre cuillerée !

     

    « Eh bien, pourquoi pas ? » se dit Georges. Il versa une seconde

     

    dose de potion et la donna à Grandma.

     

    — Ouiche ! cria-t-elle.

     

    Et elle grandit de plus belle. Ses pieds étaient toujours sur le

     

    parquet du rez-de-chaussée, mais sa tête se dirigeait rapidement vers le

     

    plafond de la chambre.

     

    — Il y a le grenier au-dessus, Grandma ! cria Georges. C’est plein

     

    de fantômes !

     

    Crac, boum ! la tête de la vieille traversa le plafond comme si

     

    c’était du beurre.

     

    Georges regarda la pagaille dans sa chambre. Il y avait un grand

     

    trou dans le sol et un autre au plafond et, entre les deux, droit comme

     

    un poteau, le tronc de Grandma. Ses pieds étaient au rez-de-chaussée

     

    et sa tête au grenier !

     

    — Je continue ! cria la voix perçante de Grandma depuis le

     

    grenier. Donne-moi une troisième dose, mon garçon.

     

    — Non, Grandma, non ! répliqua Georges. Tu casses la baraque !

     

    Ne défonce pas le toit, Grandma ! suppliait-il. S’il te plaît, surtout ne fais

     

    pas ça !

     

    5- Bonne soupe pour animaux

     

    Dans la cour, Georges observait le toit de la ferme, un joli toit de

     

    tuiles roses avec de hautes cheminées.

     

    On ne voyait pas la tête de Grandma. « La vieille plante est restée

     

    coincée dans le grenier, pensa Georges. »

     

    Soudain, une tuile se détacha du toit et dégringola dans la cour,

     

    suivie d’une demi-douzaine.

     

    Et alors, très lentement, comme une créature monstrueuse

     

    sortant d’un gouffre, la tête de Grandma surgit du toit...

     

    Puis un cou décharné… Et ses épaules...

     

    — Diable, j’ai réussi ! cria-t-elle. J’ai défoncé le toit !

     

    — Tu ne crois pas que tu devrais arrêter maintenant, Grandma ?

     

    demanda Georges.

     

    — Ça y est, j’arrête ! répondit-elle. Je me sens en pleine

     

    forme ! Je t’avais bien averti que j’avais des pouvoirs magiques ! Je

     

    t’avais bien dit que j’étais sorcière jusqu’au bout des ongles ! Mais tu

     

    ne voulais pas me croire, n’est-ce pas ? Tu ne voulais pas écouter ta

     

    vieille Grandma !

     

    — Ce n’est pas toi qui as fait ça, Grandma ! s’écria Georges. C’est

     

    moi ! J’ai fabriqué une potion magique !

     

    — Une potion magique ? Toi ? aboya-t-elle.

     

    — Oui, c’est moi ! C’est moi ! répéta Georges.

     

    Là-haut, au-dessus du toit, le visage ridé de Grandma se tourna

     

    vers Georges d’un air méfiant.

     

    — Veux-tu vraiment dire que tu as fabriqué une potion magique,

     

    tout seul ? demanda-t-elle.

     

    — Oui, Grandma, tout seul.

     

    — Je n’en crois rien, dit-elle. En tout cas, je me sens très bien

     

    là-haut. Apporte-moi une tasse de thé.

     

    Une poule brune picorait dans la cour, près de Georges. Cela

     

    lui donna une bonne idée. Vite, il déboucha le flacon et versa une dose

     

    de potion dans la cuillère.

     

    Il s’accroupit et tendit la cuillère vers la poule.

     

    — Petit, petit, petit, dit-il. Viens picorer ici.

     

    Les poules croient que tout est bon à manger. Celle-ci sautilla vers

     

    Georges, pencha sa tête de côté et fixa la cuillère.

     

    — Petit, petit, petit, répéta Georges. Allons, petite poule.

     

    La poule brune tendit le cou et becqueta la potion. Une pleine

     

    becquée de potion.

     

    L’effet fut électrique.

     

    — Ouiche ! caqueta la poule, en bondissant droit dans le ciel

     

    comme une fusée, jusqu'à la hauteur du toit. Puis elle retomba dans la

     

    cour. Elle restait assise sur le croupion, toutes plumes hérissées, ridicule.

     

    Georges continuait à l’observer. Et Grandma aussi, depuis le toit.

     

    La bête se remit sur ses pattes. Elle tremblait et gloussaillait

     

    d’une drôle de façon ! Elle ouvrait, fermait le bec, sans raison. Elle

     

    semblait vraiment mal en point.

     

    — Regarde ce que tu as fait, imbécile ! s’écria Grandma. La poule

     

    est en train de mourir ! Tu vas entendre ton père ! Il va te flanquer une

     

    bonne raclée ! Et tu ne l’auras pas volée !

     

    Tout à coup, une fumée noire s’échappa du bec de la poule.

     

    — Elle flambe ! hurla Grandma. La poule est en feu !

     

    Georges courut remplir un seau d’eau à l’abreuvoir, et arrosa la

     

    poule. Il y eut un grésillement et la fumée disparut.

     

    Le feu éteint, l'animal paraissait en meilleure forme. Ses pattes ne

     

    flageolaient plus. Elle agitait même ses ailes. Puis, elle s’accroupit

     

    comme pour le départ d’un cent mètres.

     

    Et soudain...

     

    — Elle grandit ! hurla Georges. Elle grandit, Grandma !

     

    De plus en plus grande, de plus en plus haute. Elle fut

     

    bientôt quatre ou cinq fois plus grande qu’au début.

     

    — Tu vois, Grandma ? criait Georges.

     

    — Diable, je vois ! répondit la vieille. Je ne vois que ça !

     

    Georges, tout excité, sautillait d’un pied sur l’autre, en montrant

     

    l’énorme poule

     

    — Elle a bu ma potion magique, Grandma, répétait-il, et elle a

     

    grandi comme toi !

     

    Mais il y avait une différence. Grandma avait grandi en s’étirant

     

    comme un élastique. Pas la poule, qui était restée joliment dodue.

     

    Bientôt, elle fut plus grande que Georges. Elle ne s’arrêta que

     

    lorsqu’elle atteignit la taille d’un cheval.

     

    — N’est-ce pas fantastique, Grandma ? cria Georges.

     

    — Elle n’est pas aussi grande que moi ! chantonnait Grandma !

     

    Moi, je suis la plus grande !

     

    A ce moment-là, la mère de Georges revint du village où elle

     

    avait fait des courses. Elle gara la voiture dans la cour, puis sortit en

     

    tenant un sac de provisions et une bouteille de lait.

     

    La première chose qu’elle vit fut la poule brune, gigantesque à

     

    côté du petit Georges. Elle lâcha la bouteille de lait.

     

    Puis elle entendit crier sur le toit. Elle leva les yeux, vit la tête de

     

    Grandma qui sortait des tuiles. Alors elle lâcha son sac à provisions.

     

    — Alors, Marie, qu’est-ce que tu en penses ? cria Grandma. Je

     

    parie que tu n’as jamais vu de poule aussi énorme. C’est la poule

     

    géante de Georges !

     

    — Mais... mais... mais... bredouilla la mère de Georges, comment

     

    diable as-tu fait pour monter sur le toit ?

     

    — Je ne suis pas montée sur le toit, caqueta la vieille femme. J’ai

     

    les pieds sur le parquet de la salle de séjour !

     

    C’en était trop pour la mère de Georges : elle resta bouche bée,

     

    les yeux en boules de loto comme si elle allait s’évanouir

     

    Un instant plus tard, surgit le père de Georges. On l'appelait le

     

    père Gros Bouillon. C'était un petit homme à grosse tête et aux jambes

     

    arquées. Un bon père, certes, mais difficile à vivre car il s’énervait pour

     

    de petits riens !

     

    Dès qu’il aperçut la grosse poule, il entra en ébullition.

     

    — Vingt dieux ! s’écria-t-il en agitant les bras. C'est quoi, ça ?

     

    D’où vient cette poule géante ? Qui a fait ça ?

     

    — C’est moi, répondit Georges. C'est ma potion magique.

     

    — Regarde-moi, moi ! cria Grandma du sommet du toit. Ne

     

    t’occupe pas de la poule ! Ce n’est qu’une poulette à côté de moi !

     

    M. Bouillon regarda le toit et aperçut Grandma. Il ne s’en étonna

     

    pas. Seule la poule l’excitait. Il n’avait jamais vu un tel spectacle, mettezvous

     

    à sa place !

     

    — Fantastique ! brailla M. Bouillon en dansant sur place.

     

    Colossal ! Gigantesque ! Enormissime ! Miraculeux !

     

    Georges raconta toute l’histoire à son père et comment il avait

     

    fabriqué sa potion. Pendant ce temps, la grosse poule brune s’assit au

     

    milieu de la cour et commença cot-cot-cot-cot à caqueter et à glousser.

     

    Tous les quatre s’arrêtèrent pour la regarder. Quand elle se releva,

     

    elle avait pondu un gros oeuf brun, de la dimension d’un ballon de rugby.

     

    — Avec cet oeuf on pourrait faire des oeufs brouillés pour une

     

    vingtaine d’invités ! s’écria M.Bouillon. Georges ! Combien de litres de

     

    cette potion magique as-tu préparés ?

     

    — Des tas, répondit Georges. Un gros chaudron, dans la

     

    cuisine, et ce flacon qui est presque plein.

     

    — Viens avec moi ! hurla le père Gros Bouillon. Apporte ta

     

    potion. Depuis des années et des années je me décarcasse à engraisser

     

    les animaux. De gros boeufs pour des steaks. De gros cochons pour des

     

    jambons. De gros moutons pour des gigots...

     

    !

     

    Ils allèrent d’abord à la porcherie. Georges donna une cuillerée au

     

    cochon. Le groin du cochon cracha de la fumée. Il se mit à cabrioler,

     

    puis à grandir.

     

    Puis ils se dirigèrent vers l’enclos des boeufs noirs, que M.

     

    Bouillon engraissait pour vendre au marché.

     

    Georges leur donna une dose de la potion.

     

    Ensuite, ce fut au tour des moutons, du poney gris Vive le vent et

     

    celui d'Ayma la chèvre.

     

    6 - L'idée géniale du père Gros Bouillon

     

    Le lendemain, le père Gros Bouillon descendit prendre son petit

     

    déjeuner, plus bouillonnant que jamais.

     

    — Je n’ai pas fermé l’oeil de la nuit ! s’écria-t-il. Je ne pensais qu’à ça !

     

    — A quoi ? lui demanda Georges.

     

    — A cette potion magique, bien sûr ! Il ne faut pas s’arrêter là,

     

    fiston ! Nous devons en fabriquer davantage ! Des litres et des litres !

     

    Georges avait tellement donné de potion aux moutons, aux

     

    cochons, aux vaches et aux boeufs, que l’énorme chaudron était

     

    complètement vide.

     

    — Pourquoi davantage, papa ? demanda Georges. Tous nos

     

    animaux sont devenus gigantesques !

     

    — Mon fiston ! s’exclama le père Gros Bouillon. Il nous en faut des

     

    tonnes et des tonnes ! Nous en vendrons aux agriculteurs du monde

     

    entier afin qu’ils élèvent des animaux géants ! Nous allons créer une

     

    usine de potion magique, et nous vendrons chaque bouteille cinquante

     

    euros. Nous deviendrons riches, et toi, tu seras célèbre. Une vache

     

    géante donnera cinquante seaux de lait par jour ! Un poulet géant

     

    donnera une centaine de repas, et un cochon mille côtelettes ! Génial,

     

    fiston ! Fantastique ! Ça va changer le monde !

     

    — Attends, papa... répéta Georges. Je ne pourrai jamais me

     

    rappeler la centaine de trucs que j’ai jetés dans le chaudron pour

     

    fabriquer ma potion.

     

    — Mais si, mon garçon ! Je t’aiderai ! Je te rafraîchirai la mémoire !

     

    Et tu la retrouveras, va. D’abord, préparons un plein chaudron pour faire

     

    un essai. Au fur et à mesure que tu mettras les ingrédients dans le

     

    chaudron, je les noterai sur une feuille. Ainsi, nous aurons la recette

     

    magique !

     

    — Papa, papa... insista Georges, écoute-moi, s’il te plaît.

     

    — Ecoute-le, intervint Mme Bouillon. Notre fils veut te dire

     

    quelque chose d’important.

     

    Mais Gros Bouillon était trop excité pour écouter.

     

    — Et ensuite, continua-t-il, quand le mélange sera prêt, nous

     

    l'essaierons sur une vieille poule, juste pour savoir si tout va bien !

     

    Hourra ! Ça marchera ! Et nous construirons une usine géante !

     

    Plus tard, M. Bouillon, très inquiet, regarda son fils vider le quart

     

    d’huile et un peu d’antigel dans l’énorme chaudron.

     

    — Il faut remuer ! cria M. Bouillon. Bouillir et remuer !

     

    Georges obéit.

     

    — Tu n’y arriveras pas, Georges, dit Mme Bouillon. Tu as mis les

     

    mêmes ingrédients que la première fois, mais peut-être pas dans les

     

    mêmes proportions. !

     

    — Ne t’occupe pas de ça ! cria M. Bouillon. Ça marchera cette fois,

     

    tu verras.

     

    Après quelques gros bouillons, la nouvelle potion magique était

     

    prête. Georges en remplit une petite tasse et courut dans la cour ; suivi

     

    par son père, puis par sa mère qui disait :

     

    — Si tu continues ainsi, Georges, nous allons avoir un cirque au

     

    lieu d’une basse-cour !

     

    — Mais dépêche-toi, Georges ! s’époumonait M. Bouillon. Une

     

    dose pour cette poule brune !

     

    Georges s’agenouilla et tendit une cuillerée de sa nouvelle potion.

     

    — Petit, petit, fit-il. Viens goûter un peu.

     

    La poule brune s’approcha, regarda la cuillère et picora.

     

    — Ouiche ! fit-elle en caquetant.

     

    Puis son bec se mit à siffler d’une drôle de façon.

     

    — Regardez, elle grandit ! cria M. Bouillon.

     

    — Oui, dit Mme Bouillon. Mais pourquoi siffle- t-elle ainsi ?

     

    — Tais-toi ! dit M. Bouillon. Attends un peu !

     

    Tous les trois observèrent attentivement la poule brune.

     

    — Elle rapetisse ! dit soudain Georges. Regarde, papa. Elle se

     

    ratatine !

     

    En effet. En moins d'une minute, la poule s'était tellement

     

    ratatinée qu'elle était devenue à peine plus grosse qu'un poussin. Elle

     

    était ridicule.

     

    — Tu as encore oublié quelque chose ! s’écria M. Bouillon.

     

    — Je ne vois pas, dit Georges.

     

    — Abandonne, mon fils, dit Mme Bouillon. Arrête ! Tu n’y

     

    arriveras jamais.

     

    M. Bouillon était complètement abattu .

     

    La ridicule et minuscule poule brune s’éloignait lentement.

     

    7- La disparition

     

    Au sommet du toit, Grandma assistait à tout ce qui se passait, mais

     

    personne ne s’intéressait à elle. Georges et M. Bouillon couraient par-ci

     

    par-là, excités par des animaux gigantesques et la poule minuscule.

     

    Grandma restait plantée là, la tête dépassant du toit.

     

    — Eh, Georges ! cria-t-elle. Apporte-moi une tasse de thé,

     

    immédiatement, petit paresseux !

     

    — N’écoute pas cette vieille chèvre, dit M. Bouillon. Elle est

     

    coincée, tant mieux !

     

    — Mais on ne peut pas la laisser tomber, papa, dit Georges. Et si il

     

    pleut ?

     

    — Georges ! hurla Grandma. Donne-moi tout de suite une tasse

     

    de thé et une tranche de gâteau aux groseilles.

     

    — Il faut la tirer de là, papa, dit Georges. Sinon, elle nous

     

    embêtera sans arrêt.

     

    Mme Bouillon surgit dans la cour.

     

    — Georges a raison, dit-elle. Après tout, c’est ma mère.

     

    — C’est une enquiquineuse, dit M. Bouillon.

     

    — Qu’importe, dit Mme Bouillon. Je ne vais pas laisser ma mère

     

    coincée là-haut pour le restant de ses jours.

     

    Finalement, M. Bouillon téléphona à une société de dépannage.

     

    Le camion-grue n’arriva qu’une heure plus tard. Le grutier attacha

     

    des cordes aux bras de Grandma. Puis, il la hissa à travers le toit.

     

    La potion avait quand même amélioré Grandma. Elle n’avait pas

     

    perdu son mauvais caractère, mais elle semblait guérie de toutes ses

     

    maladies. Elle était aussi vive qu’un cheval de course !

     

    D'ailleurs, dès que la grue l’eut ramenée à terre, elle se précipita

     

    sur le gigantesque poney Vive-le-vent, et l’enfourcha. La vieille sorcière,

     

    haute comme la maison, galopait sur son dos et bondissait par dessus les

     

    arbres et les hangars.

     

    — Hourrah! criait-elle. Là où je passe, l’herbe trépasse ! Hors de

     

    mon chemin, misérables crapoussins ! Sinon, je vous écrabouille !

     

    Et autres imbécillités...

     

    Puis elle descendit de sa monture et traversa la cour à grands pas.

     

    De toute sa hauteur, elle lança un regard furibond aux trois petits

     

    êtres au-dessous d’elle.

     

    — Que se passe-t-il ? tonna-t-elle. Pourquoi ne m’a-t-on pas

     

    apporté mon petit déjeuner ? Si je dois mourir de faim, que le diable

     

    m’emporte ! Pas de thé ! Pas d’oeufs ! Pas de bacon ! Pas de tartine

     

    beurrée !

     

    — Je suis désolée, mère, dit Mme Bouillon. Nous avons été très

     

    occupés. Je vais te préparer ton petit déjeuner.

     

    — Non, c’est le travail de Georges, cet affreux petit paresseux ! cria

     

    Grandma.

     

    A l’instant même, la vieille femme aperçut la tasse que tenait

     

    Georges. Elle se courba et y jeta un coup d’oeil. Elle vit que la tasse

     

    était pleine d’un liquide brun, qui ressemblait à du thé.

     

    — Oh ! oh ! Ah ! ah ! fit-elle. Voilà à quoi tu joues ? Tu ne

     

    t’intéresses qu’à toi ! Toi, tu es sûr d’avoir ton petit déjeuner ! Mais

     

    tu ne penses même pas à ta pauvre vieille Grandma !

     

    — Non, Grandma, protesta Georges. Ce n’est pas...

     

    — Pas de bobards, petit ! vociféra la vieille sorcière géante.

     

    Donne-moi cette tasse immédiatement.

     

    — Non ! cria Mme Bouillon. Non, mère, ne la bois pas ! Ce n’est

     

    pas pour toi !

     

    — Toi aussi, tu es contre moi ! hurla Grandma. Ma propre fille,

     

    qui veut m’empêcher de prendre mon petit déjeuner et souhaite que je

     

    meure de faim !

     

    M. Bouillon leva les yeux vers l’horrible mégère.

     

    — Bien sûr qu’elle est pour toi, Grandma, dit-il d’un air

     

    hypocrite. Bois ton thé tant qu’il est bien chaud !

     

    — Sûr que je vais le boire ! dit Grandma. Va, donne, Georges.

     

    En fait, elle lui arracha la tasse des mains.

     

    — Bois, Grandma, dit M. Bouillon avec un large sourire. C’est

     

    du bon thé, ça !

     

    — Non, non, nooon ! hurlèrent Georges et sa mère.

     

    Trop tard ! La vieille grande perche avait déjà porté la tasse à ses

     

    lèvres et avalé une gorgée.

     

    — Mère ! gémit Mme Bouillon. Tu viens d’avaler cinquante doses !

     

    Regarde ce qu’une seule dose a fait à cette petite poule brune !

     

    Mais Grandma n’entendait rien. Sa bouche crachait d’épais nuages

     

    de vapeur. Puis elle commença à siffler.

     

    — Ça devient intéressant ! dit M. Bouillon, souriant de plus belle.

     

    — Tu n’aurais jamais dû faire ça ! cria Mme Bouillon, furieuse. Tu as

     

    réglé son compte à ma mère !

     

    Un abominable sifflement retentit au-dessus de leurs têtes.

     

    Grandma crachait de la vapeur par la bouche, par le nez, par les

     

    oreilles.

     

    — Elle va exploser ! gémit Mme Bouillon. Comme une Cocotte-

     

    Minute !

     

    Georges était affolé. Il se leva et recula de quelques pas. Les jets

     

    de vapeur blanche jaillissaient de la tête décharnée de la vieille sorcière,

     

    et le sifflement strident crevait les tympans.

     

    — Police secours ! Pompiers ! criait Mme Bouillon. Vite, une lance à

     

    incendie !

     

    — Trop tard, dit M. Bouillon ravi.

     

    Le sifflement s’était arrêté. Le jet de vapeur aussi. Alors, Grandma

     

    commença à se ratatiner. Sa tête, avait atteint la hauteur du toit de la

     

    ferme, mais commençait à descendre… Puis très rapidement, elle reprit

     

    sa taille normale.

     

    — Arrête, mère ! supplia Mme Bouillon. C’est bon, maintenant.

     

    Mais Grandma n’arrêtait pas. Elle devenait de plus en plus petite.

     

    Bientôt, elle ne fut pas plus haute qu’une bouteille de limonade.

     

    — Comment vas-tu, mère ? demanda Mme Bouillon, inquiète.

     

    Le minuscule visage de Grandma gardait toujours son expression

     

    de fureur et de méchanceté. Ses yeux, gros comme des trous de

     

    serrure, jetaient des éclairs de rage.

     

    — Comment je me sens ? piailla-t-elle. Qu’est-ce que tu imagines ?

     

    Comment te sentirais-tu, à ma place ? Il y a une minute, j’étais une

     

    magnifique géante et maintenant je ne suis plus qu’une misérable

     

    naine !

     

    — Elle continue ! s’écria allègrement M. Bouillon. Elle se

     

    ratatine encore !

     

    Quand Grandma atteignit la hauteur d’une cigarette, Mme

     

    Bouillon la prit dans sa main.

     

    — Il faut que je fasse quelque chose ! gémit-elle. Elle est si petite

     

    que je ne la vois presque pas !

     

    — Tire-lui les pieds et la tête ! dit M. Bouillon.

     

    Mais déjà, Grandma avait la taille d’une épingle... Puis, celle d’une

     

    graine de citrouille. Puis… d'une poussière…

     

    — Où est-elle passée ? demanda Mme Bouillon. Je l’ai perdue !

     

    — Hourra ! s’écria M. Bouillon.

     

    — Elle est partie, elle a disparu complètement ! cria Mme

     

    Bouillon.

     

    — C’est ce qui arrive aux gens qui ont mauvais caractère et

     

    ronchonnent tout le temps, dit M. Bouillon. Sacrée potion, Georges !

     

     

     

     

    1- Grandma

     

    Un samedi matin, la mère de Georges Bouillon dit à son fils.

     

    — Je vais faire des courses au village. Sois sage et ne fais pas de

     

    bêtises.

     

    Voilà exactement ce qu’il ne faut pas dire à un petit garçon, car

     

    cela lui donne aussitôt l’idée d’en faire !

     

    — Et à onze heures, n’oublie pas de donner sa potion à Grandma,

     

    poursuivit la mère.

     

    Puis elle sortit en refermant la porte.

     

    Grandma, qui sommeillait dans son fauteuil, près de la fenêtre,

     

    ouvrit un petit oeil méchant.

     

    — Tu as entendu ce qu’a dit ta mère, Georges, aboya-t-elle.

     

    N’oublie pas ma potion.

     

    — Non, Grandma, dit Georges.

     

    — Et pour une fois, sois sage tant qu’elle n’est pas là.

     

    — Oui, Grandma, dit Georges.

     

    Georges s’ennuyait à mourir. Il n’avait ni frère ni soeur. Son père

     

    était fermier et, comme la ferme était loin de tout, Georges n’avait pas

     

    d’amis avec qui jouer. Il en avait assez de contempler les cochons, les

     

    poules, les vaches et les moutons. Et surtout, il en avait par-dessus la

     

    tête de vivre dans la même maison que cette vieille ourse mal léchée

     

    de Grandma. Passer son samedi matin à s’occuper d’elle ne le

     

    réjouissait guère.

     

    — Prépare-moi une petite tasse de thé, dit Grandma à Georges.

     

    Ça t’empêchera de faire des bêtises pendant un moment.

     

    — Oui, Grandma, répondit Georges.

     

    Georges n’y pouvait rien, il détestait Grandma. C’était une vieille

     

    femme grincheuse et égoïste qui avait des dents jaunâtres et une petite

     

    bouche toute ridée comme le derrière d’un chien.

     

    — Combien de cuillerées de sucre dans ton thé, aujourd’hui,

     

    Grandmère ? demanda Georges.

     

    — Une, répondit-elle sèchement. Et n’ajoute pas de lait.

     

    La plupart des grand-mères sont d’adorables vieilles dames,

     

    gentilles et serviables, mais pas celle-là. Elle passait sa journée, toutes

     

    ses journées, assise dans son fauteuil, près de la fenêtre et elle était

     

    tout le temps en train de se plaindre, de bougonner, de ronchonner, de

     

    râler et de pester sur tout et sur rien. Jamais, même dans ses bons

     

    jours, elle n’avait souri à Georges, jamais elle ne lui avait dit : « Bonjour,

     

    Georges, comment ça va ? » ni : « Et si on jouait au jeu de l’oie ? » ni :

     

    « Comment ça s’est passé à l’école aujourd’hui ? » Elle ne s’intéressait

     

    qu’à elle. C’était une affreuse vieille mégère.

     

    Georges alla à la cuisine et prépara une tasse de thé avec un

     

    sachet. Il mit une cuillerée de sucre en poudre, remua et apporta la

     

    tasse dans la salle de séjour.

     

    Grandma but une petite gorgée de thé.

     

    — Il n’est pas assez sucré, dit-elle. Ajoute un peu de sucre.

     

    Georges ramena la tasse dans la cuisine et ajouta une autre

     

    cuillerée de sucre. Puis il remua et rapporta la tasse à Grandma.

     

    — Où est la soucoupe ? demanda-t-elle. Je veux une soucoupe

     

    avec ma tasse.

     

    Georges partit chercher une soucoupe.

     

    — Et la cuillère, s’il te plaît ?

     

    — J’ai remué pour toi, Grandma. J’ai bien remué.

     

    — Merci bien, je remue mon thé, moi-même, dit-elle. Va me

     

    chercher une cuillère.

     

    Georges alla chercher la cuillère.

     

    Quand les parents de Georges étaient à la maison, Grandma ne se

     

    montrait jamais aussi capricieuse. Mais quand elle restait seule avec lui,

     

    elle le rudoyait sans cesse.

     

    — Tu sais ce qui ne va pas, chez toi ? dit la vieille femme, en

     

    regardant Georges de ses petits yeux brillant de méchanceté. Tu

     

    grandis trop vite. Grandir est une sale manie des enfants.

     

    — Mais on doit grandir, Grandma. Si on ne grandit pas, on ne

     

    devient jamais une grande personne.

     

    — C’est idiot, mon garçon, dit-elle. Idiot. Regarde-moi. Est-ce que

     

    je grandis, moi ? Sûrement pas.

     

    Georges regarda attentivement Grandma. Elle était véritablement

     

    minuscule. Ses jambes étaient si courtes qu’il lui fallait un tabouret

     

    pour poser ses pieds, et sa tête n’arrivait qu’à la moitié du dossier du

     

    fauteuil.

     

    — Papa m’a dit que c’était bien pour un homme d’être grand, dit

     

    Georges.

     

    — N’écoute pas ton papa, dit Grandma. Ecoute-moi.

     

    — Mais, comment faire pour ne plus grandir ? demanda

     

    Georges.

     

    — Mange moins de chocolat ! Mange plutôt du chou.

     

    — Du chou ? Oh, non ! protesta Georges. Je n’aime pas le chou.

     

    — Que tu aimes ou pas, peu importe, coupa Grandma. Ce qui

     

    compte, c’est ce qui est bon pour toi. À partir de maintenant, tu

     

    mangeras du chou trois fois par jour. Des montagnes de choux. Et tant

     

    mieux s’il y a des chenilles !

     

    — Berk ! fit Georges. Jamais je n’en mangerai !

     

    — Mmm, c'est délicieux, reprit-elle. Les vers, les limaces, les

     

    punaises, les insectes... Tu ne sais pas ce qui est bon !

     

    — Grandma, c’est dégoûtant !

     

    La vieille mégère sourit en montrant ses dents jaunâtres.

     

    Georges se mit à filer vers la porte. Il voulait fuir loin de cette

     

    écoeurante vieille femme.

     

    — Tu essaies de t’enfuir, n’est-ce pas ? dit-elle en pointant son

     

    doigt vers lui. Tu veux abandonner ta Grandma.

     

    Il fixait la vieille mégère. Elle le fixait, elle aussi.

     

    « C’est peut-être... une sorcière ! » se dit-il

     

    Il recula d’un pas, se rapprochant un peu plus de la porte.

     

    — Tu ne dois pas avoir peur de ta vieille Grandma, dit-elle, avec

     

    un sourire sinistre.

     

    Un picotement électrique parcourut la colonne vertébrale de

     

    Georges. Il commençait à avoir peur.

     

    — Certains d’entre nous, continua la vieille sorcière, ont du feu au

     

    bout de la langue, des étincelles dans le ventre et des éclairs au bout

     

    des doigts...

     

    Georges reculait encore en trébuchant. Elle poursuivait…

     

    — Certains connaissent des secrets qui te feraient dresser les

     

    cheveux sur la tête et jaillir les yeux hors des orbites. Nous savons ce

     

    qu’il faut faire pour que tu te réveilles un beau matin avec une longue

     

    queue par-derrière.

     

    Georges claqua la porte derrière lui et se réfugia dans la cuisine.

     

    2- Un plan diabolique

     

    Georges s’assit à la table de la cuisine. Il tremblait encore. Il

     

    haïssait vraiment cette horrible vieille sorcière. Et tout à coup, il eut

     

    une terrible envie de faire quelque chose Une chose énorme. Une

     

    chose absolument terrifiante. Une chose abominable : il voulait se

     

    débarrasser d’elle

     

    Enfin... pas tout à fait. Il voulait la secouer un peu.

     

    Exactement, la secouer.

     

    Il aurait bien mis un pétard sous le fauteuil, mais il n’avait pas de

     

    pétard.

     

    Il aurait bien aimé lui glisser un long serpent vert dans le cou,

     

    mais il n’avait pas de long serpent vert.

     

    Il aurait bien aimé lâcher six gros rats, noirs dans la pièce où elle

     

    se trouvait, mais il n’avait pas six gros rats noirs.

     

    Son regard tomba alors sur la potion brunâtre de Grandma,

     

    posée sur le buffet. Encore un sale truc. On glissait dans la bouche de

     

    Grandma une cuillerée de ce médicament quatre fois par jour, mais il

     

    ne lui faisait aucun bien. Elle restait toujours aussi épouvantable.

     

    « O ! Oh ! pensa soudain Georges. Ah ! ah ! Eh ! eh ! je sais

     

    exactement ce que je vais faire. Je vais lui préparer une nouvelle

     

    potion, une potion si forte, si violente et si fantastique qu’elle la guérira

     

    complètement ou lui fera sauter la cervelle ! Je fabriquerai une

     

    potion magique, un médicament qu’aucun médecin n’a j ama i s

     

    inventé jusqu’à présent. »

     

    Georges regarda l’horloge de la cuisine. Il était dix heures cinq. Il

     

    avait presque une heure devant lui, puisque Grandma devait prendre

     

    son médicament à onze heures.

     

    — Allons-y ! s’écria-t-il en se levant d’un bond. Vive la potion

     

    magique !

     

    Bouchez-vous le nez !

     

    Et une cuillerée pour Grandma !

     

    Allons, avale-moi ça !

     

    C’est bon, n’est-ce pas ?

     

    Va-t-elle éclater ? Exploser ?

     

    S’envoler par-dessus les toits ?

     

    S’évanouir dans la fumée ?

     

    Pétiller comme du Coca ?

     

    Qui sait ? En tout cas, pas moi ?

     

    Ma chère, chère Grand-maman,

     

    Si tu savais ce qui t'attend...

     

    Georges prit un énorme chaudron dans le placard de la cuisine et

     

    le posa sur la table.

     

    — Georges ! Que fais-tu ? cria la voix aiguë de Grandma dans

     

    la pièce voisine.

     

    — Rien, Grandma, répondit-il.

     

    — Tu crois que je ne t'entends pas parce que tu as fermé la

     

    porte ? Et ce bruit de casserole ?

     

    — Je range la cuisine, Grandma.

     

    Puis ce fut le silence.

     

    Georges savait bien ce qu’il allait faire pour préparer sa fameuse

     

    potion. Inutile de se casser la tête. C’était simple, il mettrait TOUT ce

     

    qui lui tomberait sous la main. Tout ce qu’il verrait de coulant, gluant

     

    ou poudreux, il le jetterait dans le chaudron.

     

    Il décida de fouiller toutes les pièces de la maison, une à une.

     

    Dans la salle de bains, il regarda la fameuse et redoutable armoire

     

    à pharmacie. Malgré son envie de donner un sacré remontant à

     

    Grandma, Georges ne voulait pas rester avec un cadavre sur les bras.

     

    Sans rien prendre dans cette armoire, il posa le chaudron par terre et

     

    se mit à l'ouvrage.

     

    Tout d’abord, il trouva un flacon de shampooing cheveux gras. Il

     

    le vida dans le chaudron.

     

    « Ça lui nettoiera gentiment l’estomac », dit-il.

     

    Il prit un tube de dentifrice et le pressa entièrement, faisant jaillir

     

    un long serpent de pâte verte.

     

    « Ça fera peut-être briller ses horribles dents jaunâtres », dit-il.

     

    Il y avait une bombe de supermousse à raser appartenant à son

     

    père. Georges adorait jouer avec les bombes. Il appuya sur le bouton et

     

    la vida. Une magnifique montagne de mousse blanche s’éleva dans le

     

    chaudron.

     

    Suivit un flacon de vernis à ongles écarlate.

     

    Il ajouta de même :

     

    - un pot de crème dépilatoire

     

    - un flacon rempli de liquide jaune : lotion miracle antipelliculaire.

     

    - une deuxième bombe : déodorant corporel, garanti pour

     

    éliminer toutes les odeurs pendant 24 heures.

     

    « J’en ai fini avec la salle de bains », pensa-t-il en jetant un

     

    dernier coup d’oeil autour de lui.

     

    Dans la chambre de ses parents, sur la coiffeuse de sa mère, il

     

    découvrit avec joie une troisième bombe. Laque : « Vaporisez

     

    doucement à trente centimètres de vos cheveux. » Il vaporisa toute la

     

    bombe dans le chaudron. Il adorait jouer avec les aérosols !

     

    Un flacon de parfum, Fleur de navet, qui sentait le vieux fromage.

     

    Au chaudron, le parfum !

     

    Deux tubes de rouge à lèvres. Il retira les deux bâtonnets rouges

     

    et graisseux et les ajouta à la mixture.

     

    Georges redescendit ensuite au rez-de-chaussée, vers la

     

    buanderie où étaient rangés les produits de nettoyage.

     

    Le premier qu’il trouva fut un grand paquet de superblanc pour

     

    machines à laver automatiques. Grandma était-elle ou non

     

    automatique ? En tout cas, c’était sûrement une vieille femme sale.

     

    « Il faut y mettre tout le paquet », dit-il en versant la lessive.

     

    Puis un petit paquet rond en carton de poudre insecticide pour

     

    chiens : « Attention : à éloigner de toute nourriture. Si le chien avale

     

    cette poudre, il risque d’exploser. »

     

    « Parfait ! » dit Georges en renversant la poudre dans le

     

    chaudron.

     

    Sur l’étagère, un autre paquet : nourriture pour canaris.

     

    « Ça fera chanter la vieille perruche », dit-il en vidant le

     

    paquet.

     

    Il décida que ça suffisait. « Ouf ! Ça y est ! » s’écria-t-il.

     

    — Georges ! cria la voix perçante de Grandma venue d'en haut.

     

    À qui parles-tu ? Que mijotes-tu ?

     

    — Rien, Grandma, absolument rien, répondit-il.

     

    — N’est-il pas l’heure de prendre ma potion ?

     

    — Non, Grandma, ce sera dans une demi-heure.

     

    — Bon, surtout ne l’oublie pas.

     

    — Oh, non, Grandma, répliqua Georges . Je ne pense qu’à ça !

     

    3- À gros bouillons

     

    Revenu dans la cuisine, Georges posa le chaudron sur le fourneau

     

    et alluma le gaz à feu vif.

     

    — Georges ! cria à nouveau l’affreuse voix de Grandma dans la

     

    pièce voisine. C’est l’heure de prendre ma potion !

     

    — Pas encore, Grandma, répondit Georges. Il n’est que onze heures

     

    moins vingt.

     

    — Qu’est-ce que tu fabriques ? cria la grand-mère. J’entends des

     

    bruits.

     

    Georges estima qu’il valait mieux ne pas répondre. Il trouva une

     

    longue cuillère en bois dans un tiroir et se mit à tourner vivement la

     

    potion. Cela commençait à chauffer.

     

    Bientôt, la potion se mit à mousser et à écumer. Une épaisse fumée

     

    bleue, couleur plume de paon, s’éleva et une odeur épouvantable

     

    envahit la cuisine.

     

    Et Georges dansa près du chaudron qui bouillait à gros bouillons, et

     

    se mit à chanter cette étrange chanson qui lui passait par la tête :

     

    Hourra ! Cornes à la sorcière,

     

    Vive la chaudière !

     

    Hourra ! Cornes à la potion,

     

    Vive le chaudron !

     

    Pétille, clapote, barbouille,

     

    Siffle, crachote, gargouille !

     

    Fais tes prières, Grand-mère !

     

    Georges arrêta le gaz. Il fallait laisser refroidir la potion un bon

     

    moment.

     

    Quand la fumée et l’écume se calmèrent, il jeta un coup d’oeil dans

     

    le chaudron pour voir la couleur de sa potion. Elle était bleu vif.

     

    « Ajoutons du marron, dit Georges. Si ma potion n’est pas brunâtre,

     

    Grandma aura des soupçons. »

     

    Georges se précipita dans l’atelier où son père rangeait les

     

    peintures. Sur les étagères, il y avait des pots de toutes les couleurs, noir,

     

    vert, rose, rouge, blanc et marron. Il s’empara du pot marron : peinture

     

    marron chocolat. Un litre. Il enleva le couvercle à l’aide d’un tournevis. Le

     

    pot était plein aux trois quarts. Il revint en courant dans la cuisine, et

     

    versa la peinture dans le chaudron. Très doucement, il mélangea la

     

    peinture à la potion avec la longue cuillère de bois. Elle devenait

     

    marron ! Un magnifique marron foncé.

     

    — Et alors, ma potion ? cria la voix de Grandma depuis le séjour. Tu

     

    m’as oubliée ! Tu l’as fait exprès ! Je le dirai à ta mère !

     

    — Je ne t’ai pas oubliée, Grandma, cria Georges.

     

    — Méchant asticot ! aboya la voix. Vermisseau fainéant et

     

    désobéissant !

     

    Georges avait ramené le chaudron dans la maison. Il prit le vrai

     

    flacon de potion sur le buffet. Il le déboucha et le vida dans l’évier. Puis il

     

    remplit le flacon avec sa « potion magique » et remit le bouchon. Il fit

     

    couler dessus le robinet d’eau froide pendant deux minutes.

     

    Maintenant, tout était prêt ! Le grand moment était arrivé !

     

    — C’est l’heure de prendre ta potion, Grandma, cria-t-il.

     

    — Enfin, ce n'est pas trop tôt ! grogna-t-elle.

     

    La cuillère en argent qu’on utilisait pour la potion de

     

    Grandma était posée sur le buffet. Il s’en saisit.

     

    Et c’est la cuillère d’une main et le flacon de l’autre qu’il entra dans

     

    la salle de séjour...

     

    4- Grandma boit la potion

     

    Grandma était recroquevillée dans son fauteuil prés de la fenêtre.

     

    Ses petits yeux méchants scrutèrent Georges quand il traversa la pièce.

     

    — Tu es en retard ! cria-t-elle.

     

    — Pas du tout, Grandma.

     

    — Ne me coupe pas au milieu d’une phrase ! hurla-t-elle.

     

    — Il est exactement onze heures, Grandma.

     

    — Tu mens comme d’habitude. Arrête de jacasser et donne-moi

     

    mon médicament.

     

    — Vas-tu l’avaler d’un seul coup ? lui demanda Georges. Ou à

     

    petits coups ?

     

    — Ça ne te regarde pas, répond la vieille femme. Remplis la

     

    cuillère.

     

    Il déboucha le flacon et versa lentement l’épais liquide dans la

     

    cuillère. Il ne pouvait pas s’empêcher de penser aux merveilleux

     

    ingrédients de la potion magique : la mousse à raser, la crème

     

    dépilatoire, la lotion antipelliculaire, le détergent pour machines à laver

     

    automatiques, la poudre insecticide pour chiens et le reste, sans oublier

     

    la peinture marron.

     

    La vieille sorcière ouvrit sa petite bouche ridée en découvrant ses

     

    dents jaunes et dégoûtantes.

     

    — Allons-y ! Avale vite !

     

    Il introduisit la cuillère dans la bouche de Grandma et fit couler la

     

    potion. Puis, il recula d’un pas pour regarder le résultat.

     

    Quel spectacle !

     

    — Ouiche ! cria Grandma.

     

    Son corps bondit en l’air, comme si son fauteuil avait été une chaise

     

    électrique et... elle ne retombait pas !

     

    Elle restait là... suspendue à environ un demi-mètre au-dessus du

     

    fauteuil... toujours assise... raide...tremblante... les yeux fixes... les

     

    cheveux dressés sur la tête.

     

    — Tu ne te sens pas bien ? lui demanda poliment Georges. Qu’estce

     

    qui ne va pas ?

     

    Entre le sol et le plafond, la vieille dame n’arrivait pas à articuler

     

    un mot. Le choc devait être terrible. On aurait dit qu’elle avait avalé un

     

    tisonnier brûlant.

     

    Puis, plop ! elle retomba sur son siège.

     

    — Appelle les pompiers ! cria-t-elle soudain. J’ai l’estomac en feu !

     

    — Ce n’est que le médicament, Grandma, dit Georges. C’est un

     

    bon remontant.

     

    — Au feu ! s’égosillait la vieille ! Un seau d’eau ! Une lance à

     

    incendie ! Vite, dépêche-toi !

     

    — Calme-toi, Grandma, dit Georges.

     

    Mais il fut impressionné quand il vit qu’elle crachait de la fumée

     

    par la bouche et par les narines. D’épais nuages de fumée noire

     

    sortaient de son nez et se répandaient dans la pièce.

     

    — Tu flambes, dit Georges.

     

    — Bien sûr je flambe ! hurla-t-elle. Je fris comme un lardon. Je

     

    bous comme un bouillon.

     

    Georges courut dans la cuisine chercher une cruche d’eau.

     

    — Ouvre la bouche, Grandma ! cria-t-il.

     

    A travers la fumée, il ne voyait pas bien, mais il réussit à vider le

     

    quart de la cruche dans le gosier de Grandma. Son estomac grésilla

     

    comme lorsqu’on fait couler de l’eau froide dans une poêle brûlante.

     

    Elle hennit comme un cheval. Elle cracha des trombes d’eau. Puis la

     

    fumée disparut.

     

    — Tu vas très bien maintenant, Grandma ? demanda Georges

     

    — Très bien ? J’ai de la dynamite dans le bide ! Une grenade dans

     

    la bedaine ! Une bombe dans les boyaux !

     

    Elle bondissait sur son fauteuil. Surement, elle n’était pas très à

     

    l’aise.

     

    — Cette potion va te faire beaucoup de bien, tu verras, Grandma,

     

    dit Georges.

     

    — Du bien ! hurla-t-elle. Du bien ! elle est en train de me tuer !

     

    Puis son ventre commença à ballonner. Elle gonflait de partout

     

    comme un ballon ! Allait-elle exploser ? Son visage violacé devenait

     

    verdâtre.

     

    Mais attendez ! Soudain, elle eut une crevaison. Georges entendit

     

    le sifflement d’une fuite. Elle rapetissait, reprenant peu à peu son vieil

     

    aspect ratatiné.

     

    — Tout va bien, Grandma ? demanda Georges.

     

    Elle ne répondit pas, mais arriva alors une chose amusante. Elle se

     

    tortilla puis se dégagea d’un coup sec de son fauteuil et atterrit des

     

    deux pieds sur le tapis.

     

    Extraordinaire, Grandma ! s’exclama Georges. Ça fait des années

     

    que tu n’as pas été debout ! Regarde ! Tu tiens sur tes jambes sans

     

    canne !

     

    « Fantastique ! Qu’arrive-t-il maintenant à cette vieille sorcière ?,

     

    se disait-il. »

     

    Il eut vite une réponse. Elle se mit soudain à grandir. Très

     

    lentement au début... quelques millimètres... quelques centimètres...

     

    puis de plus en plus vite : trois centimètres à la seconde. Quand elle eut

     

    atteint un mètre quatre-vingts, Georges sursauta en s’écriant :

     

    — Eh, Grandma ! Tu grandis ! Tu grandis ! Attention, Grandma !

     

    Attention au plafond !

     

    Mais Grandma ne s’arrêtait pas.

     

    C’était vraiment un spectacle fantastique de voir cette vieille

     

    décharnée devenir de plus en plus grande et de plus en plus fine,

     

    comme un élastique étiré par des mains invisibles.

     

    Quand sa tête atteignit le plafond, Georges pensa qu’elle serait

     

    obligée de s’arrêter.

     

    Mais non ! Il y eut un crissement, et des morceaux de ciment

     

    tombèrent par terre.

     

    — Arrête-toi de grandir, Grandma, dit Georges. Papa vient juste

     

    de repeindre cette pièce.

     

    Mais elle ne le pouvait pas ! Bientôt, sa tête et ses épaules

     

    disparurent complètement à travers le plafond. Et elle grandissait

     

    toujours.

     

    Georges monta vite dans sa chambre. La tête de Grandma

     

    surgissait du parquet comme un champignon.

     

    — Youpi ! fit-elle, me voilà !

     

    — Tout doux, Grandma, dit Georges, c’est ma chambre ! Regarde

     

    plutôt le gâchis !

     

    — Quelle merveilleuse potion ! cria-t-elle. Donne-m’en un peu plus.

     

    « Elle radote », pensa Georges.

     

    — Allons, mon garçon ! reprit-elle. S'il te plaît, une autre cuillerée !

     

    « Eh bien, pourquoi pas ? » se dit Georges. Il versa une seconde

     

    dose de potion et la donna à Grandma.

     

    — Ouiche ! cria-t-elle.

     

    Et elle grandit de plus belle. Ses pieds étaient toujours sur le

     

    parquet du rez-de-chaussée, mais sa tête se dirigeait rapidement vers le

     

    plafond de la chambre.

     

    — Il y a le grenier au-dessus, Grandma ! cria Georges. C’est plein

     

    de fantômes !

     

    Crac, boum ! la tête de la vieille traversa le plafond comme si

     

    c’était du beurre.

     

    Georges regarda la pagaille dans sa chambre. Il y avait un grand

     

    trou dans le sol et un autre au plafond et, entre les deux, droit comme

     

    un poteau, le tronc de Grandma. Ses pieds étaient au rez-de-chaussée

     

    et sa tête au grenier !

     

    — Je continue ! cria la voix perçante de Grandma depuis le

     

    grenier. Donne-moi une troisième dose, mon garçon.

     

    — Non, Grandma, non ! répliqua Georges. Tu casses la baraque !

     

    Ne défonce pas le toit, Grandma ! suppliait-il. S’il te plaît, surtout ne fais

     

    pas ça !

     

    5- Bonne soupe pour animaux

     

    Dans la cour, Georges observait le toit de la ferme, un joli toit de

     

    tuiles roses avec de hautes cheminées.

     

    On ne voyait pas la tête de Grandma. « La vieille plante est restée

     

    coincée dans le grenier, pensa Georges. »

     

    Soudain, une tuile se détacha du toit et dégringola dans la cour,

     

    suivie d’une demi-douzaine.

     

    Et alors, très lentement, comme une créature monstrueuse

     

    sortant d’un gouffre, la tête de Grandma surgit du toit...

     

    Puis un cou décharné… Et ses épaules...

     

    — Diable, j’ai réussi ! cria-t-elle. J’ai défoncé le toit !

     

    — Tu ne crois pas que tu devrais arrêter maintenant, Grandma ?

     

    demanda Georges.

     

    — Ça y est, j’arrête ! répondit-elle. Je me sens en pleine

     

    forme ! Je t’avais bien averti que j’avais des pouvoirs magiques ! Je

     

    t’avais bien dit que j’étais sorcière jusqu’au bout des ongles ! Mais tu

     

    ne voulais pas me croire, n’est-ce pas ? Tu ne voulais pas écouter ta

     

    vieille Grandma !

     

    — Ce n’est pas toi qui as fait ça, Grandma ! s’écria Georges. C’est

     

    moi ! J’ai fabriqué une potion magique !

     

    — Une potion magique ? Toi ? aboya-t-elle.

     

    — Oui, c’est moi ! C’est moi ! répéta Georges.

     

    Là-haut, au-dessus du toit, le visage ridé de Grandma se tourna

     

    vers Georges d’un air méfiant.

     

    — Veux-tu vraiment dire que tu as fabriqué une potion magique,

     

    tout seul ? demanda-t-elle.

     

    — Oui, Grandma, tout seul.

     

    — Je n’en crois rien, dit-elle. En tout cas, je me sens très bien

     

    là-haut. Apporte-moi une tasse de thé.

     

    Une poule brune picorait dans la cour, près de Georges. Cela

     

    lui donna une bonne idée. Vite, il déboucha le flacon et versa une dose

     

    de potion dans la cuillère.

     

    Il s’accroupit et tendit la cuillère vers la poule.

     

    — Petit, petit, petit, dit-il. Viens picorer ici.

     

    Les poules croient que tout est bon à manger. Celle-ci sautilla vers

     

    Georges, pencha sa tête de côté et fixa la cuillère.

     

    — Petit, petit, petit, répéta Georges. Allons, petite poule.

     

    La poule brune tendit le cou et becqueta la potion. Une pleine

     

    becquée de potion.

     

    L’effet fut électrique.

     

    — Ouiche ! caqueta la poule, en bondissant droit dans le ciel

     

    comme une fusée, jusqu'à la hauteur du toit. Puis elle retomba dans la

     

    cour. Elle restait assise sur le croupion, toutes plumes hérissées, ridicule.

     

    Georges continuait à l’observer. Et Grandma aussi, depuis le toit.

     

    La bête se remit sur ses pattes. Elle tremblait et gloussaillait

     

    d’une drôle de façon ! Elle ouvrait, fermait le bec, sans raison. Elle

     

    semblait vraiment mal en point.

     

    — Regarde ce que tu as fait, imbécile ! s’écria Grandma. La poule

     

    est en train de mourir ! Tu vas entendre ton père ! Il va te flanquer une

     

    bonne raclée ! Et tu ne l’auras pas volée !

     

    Tout à coup, une fumée noire s’échappa du bec de la poule.

     

    — Elle flambe ! hurla Grandma. La poule est en feu !

     

    Georges courut remplir un seau d’eau à l’abreuvoir, et arrosa la

     

    poule. Il y eut un grésillement et la fumée disparut.

     

    Le feu éteint, l'animal paraissait en meilleure forme. Ses pattes ne

     

    flageolaient plus. Elle agitait même ses ailes. Puis, elle s’accroupit

     

    comme pour le départ d’un cent mètres.

     

    Et soudain...

     

    — Elle grandit ! hurla Georges. Elle grandit, Grandma !

     

    De plus en plus grande, de plus en plus haute. Elle fut

     

    bientôt quatre ou cinq fois plus grande qu’au début.

     

    — Tu vois, Grandma ? criait Georges.

     

    — Diable, je vois ! répondit la vieille. Je ne vois que ça !

     

    Georges, tout excité, sautillait d’un pied sur l’autre, en montrant

     

    l’énorme poule

     

    — Elle a bu ma potion magique, Grandma, répétait-il, et elle a

     

    grandi comme toi !

     

    Mais il y avait une différence. Grandma avait grandi en s’étirant

     

    comme un élastique. Pas la poule, qui était restée joliment dodue.

     

    Bientôt, elle fut plus grande que Georges. Elle ne s’arrêta que

     

    lorsqu’elle atteignit la taille d’un cheval.

     

    — N’est-ce pas fantastique, Grandma ? cria Georges.

     

    — Elle n’est pas aussi grande que moi ! chantonnait Grandma !

     

    Moi, je suis la plus grande !

     

    A ce moment-là, la mère de Georges revint du village où elle

     

    avait fait des courses. Elle gara la voiture dans la cour, puis sortit en

     

    tenant un sac de provisions et une bouteille de lait.

     

    La première chose qu’elle vit fut la poule brune, gigantesque à

     

    côté du petit Georges. Elle lâcha la bouteille de lait.

     

    Puis elle entendit crier sur le toit. Elle leva les yeux, vit la tête de

     

    Grandma qui sortait des tuiles. Alors elle lâcha son sac à provisions.

     

    — Alors, Marie, qu’est-ce que tu en penses ? cria Grandma. Je

     

    parie que tu n’as jamais vu de poule aussi énorme. C’est la poule

     

    géante de Georges !

     j'arrete là l'histoire, elle est encore très longue...

     

     

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    Le coeur perçoit ce que l'oeil ne voit pas


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     Gloire à nos Chouhada

     

     

    3 Juillet 1940 - Mers-el-Kébir

     ORAN - Il y a 75 ans, le 3 juillet 1940, la Royal Navy bombardait la flotte française au mouillage à Mers-el-Kébir. 1297 marins périrent sous les bombes de l'allié...

     

    Prisonnier du Commando  de Si Abdelaziz
    entre les mains de paras du 3ème RPC après les combats
    dans les égouts de Miliana en octobre 1957

     

     

    21 avril 1961 le Putsch d'Alger

     Dans la nuit du 21 au 22 avril 1961, des généraux français tentent de rallier les militaires stationnés en Algérie et les Pieds-noirs dans un effort désespéré pour maintenir l'Algérie à l'intérieur de la République française. C'est le putsch d'Alger...

     

    Colonel Bigeard

    En Algérie , dans les Nementchas, ce 16 juin 56, une compagnie de la 13 DBLE est en difficulté .
    Vers midi le lt colonel Bigeard est mis au courant et décide de prêter main forte 
    Il décide de la rejoindre et propose l'assaut puis fonce .
    Soudain , il s'écroule touché au thorax , avec la balle au ras du coeur. 
    "Bruno" fut évacué par hélico, tout en cédant son commandement, sans omettre d'encourager ses combattants avant de tomber inconscient . 
    Il fut déposé...

    Une combattante algérienne enchainée sous la garde d'un soldat français

    Une combattante algérienne détenue sous l'oeil d'un soldat français pendant la guerre d'Algérie - DR

     Et Finalement,

    il ne resta dans l'oued que ses galets

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    Le coeur perçoit ce que l'oeil ne voit pas

     


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     Anciens du lycée Mustapha Ferroukhi, précédemment

    Collège Moderne de Garçons

    ~~Mohamed HEBBOUL l'un des plus anciens : Plus que centenaire, notre collège de garçons, devenu lycée Mustapha FERROUKHI, a largement contribué à la formation de chacun d'entre nous. Il était aussi, au même titre que Miliana, un foyer de nationalisme puisque nombre de ses élèves l'ont quitté pour rejoindre le combat libérateur dont très peu en sont revenus. Gloire à eux!

    Notre lycée reçoit aujourd'hui, plusieurs générations de ses enfants qui vont renouer avec leur jeunesse et ses meilleurs moments d'amitié, de fraternité et de beaux souvenirs. Merci aux initiateurs de ces retrouvailles pleines d'émotion et Dieu fasse que nous en soyons encore l'an prochain.

    Anciens élèves par villes et villages…

    Miliana :

    Mohamed Bengrine

    Abderzak Cherabli

    Med Khebizi

    Benyoucef Mellouk

    Hadj Mohamed

    Brahim Djelloul

    Hechaichi

    Hebboul Mohamed

    Khemis-Miliana :

    Djitli A

    Kouchih

    Theniet-El-Had :

    Mohamed Saib

    Mohamed Benghalem

    Mahfoud Oudjida

    Frères Baraka

    Rezoug

    Daoud Kharoubi

    Djendel :

    Benaouda Benaida

    Rahali

    Ain-Defla :

    Ahmed Mahmoudi

    Ahmed Miloudi

    Ahmed Bouri

    Ali Hennaoui

    Menouer Hadj Sadok

    Aberrahmane Mokadem

    Mohamed Hadj Sadok

    Abdallah Hadj Sadok

    Larbi Mahmoudi

    Mohamed Kellaci

    Mohamed Belahcen

    Ahmed Daoudi

     

    10 13

     La grève de 1956 au Lycée Mustapha Ferroukhi vit le départ au maquis de nombreaux lycées dont rares en revenrent. GLOIRE A EUX

    Le temple du savoir et de la connaissance avait fait émerger de ses entrailles, des générations et des générations qui furent sorties de cet édifice. Ce sanctuaire, comme on aime bien le surnommer, cet endroit féerique, renfermant en son sein d’innombrables souvenirs. Son emplacement fut choisi, selon des critères bien précis, avec peu de place. Néanmoins, il avait modelé des jeunes bambins qui plus tard partaient pour prouver voire démontrer qu’ils étaient aptes et capables d’échanger leur savoir avec les grands du pays. Afin de devenir ce que le destin et la providence en avaient prédit.   

    Ce couvent avait bien entretenu et préservé ces petits. Il ne réagissait que pour remettre les pendules à l’heure, rétablir l’ordre établi. Il fonctionnait comme une horloge rythmée. La masse mastodonte en béton était là justement pour veiller sur ces collégiens en cas de dérapage et /ou d’égarement.   

    Par Djilali DEGHRAR

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    Khaled CHENGAB
    100-5709.jpg

    Des générations entières se sont succédées,internes,externes,demi-pensionnaires,de jeunes lycéens venus de toute la région, et pour quelques uns de plus loin encore parfaire les connaissances acquises ailleurs.

    On a tous arpentés les mêmes couloirs,empruntés la même cour.On s'est tous croisés,vus, on a tous sentis les mêmes effluves qui émanaient des cuisines pour inonder les couloirs, on a tous eu plus ou moins les mêmes profs pour la plupart venus eux aussi de partout dans le monde,sans oublier les incontournables cheikhs MOHAMED LANDJERIT, ABDELKADER TIBAHINE. Je vous parle comme le dit si bien la chanson d'un temps que les ..........Bien d'autres sont arrivés par la suite que je n'ai pas eu le privilège de connaitre.

    Ce lycée occupe une place importante de l'histoire de chacun d'entre nous. C'est dans cet établissement qu'une partie non négligeable de notre personnalité s'est construite, c'est en son sein alors que l'on ne s'en doutait même pas que les premières esquisses de nos carrières respectives se sont profilées. C'est enfin dans ses classes qu'a commencé l'apprentissage des matières et des dures lois de la vie. Le tout pour reprendre la formule de cheikh MOHAMED RANDI, dans une saine émulation.

     

     Retrouvailles du 1er mai 2012

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     ferhaoui ferhaoui | 30/09/2013

    bonjour la grande famille! ah! quel bonheur...quelle joie! certes, personne n'échappe à l'usure,phénomène insidieux mais tenace auquel est exposé tout homme,phénomène comparable à l'érosion.que de tetes innocentes pour ne pas dire des angesj'ai essayé de mettre un nom sur chaque visage helas impossible cependant un seul a retenu mon attention parmi tous:le sacré bouzar b mohammed.malgré le collier de barbe qui lui va superbement classe...on ne s'est plus revu depuis les années 1973,ca fait plus d'une génération et comme dirait ouah ya khoua kada:oui! il est dit quand la mémoire va tout??? au reste je sens dans la totalité des photos dieu merci,le moral est excellent par ce commentaire,j'ai voulu seulement vous rendre à tous un humble et fraternel hommage bon vent pour une prochaine rencontre incha-allah.l'ami ferhaoui,oran.

     

      
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    Eleves obeissants au Pion d'alors: " En rang et en silence ! " (le notre de pion prononçait même le g=en rangue et en silence )

      
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  •  Allah Yarham Echouhada

    A Miliana, le 15 Octobre 1957, les nôtres qui voulaient attaquer la caserne de l'intérieur en y pénétrant par ses égoûts livrèrent bataille aux paras de Bigeard et leurs cadavres furent exposés en ville. Le récit fait ci-après par ce para minimise les pertes de ses camarades car longtemps après leur départ, d'autres  cadavres des leurs ont été découverts.Le fameux colonel Bigeard et ses troupes subirent à Miliana une mémorable raclée...

     

     

    15 octobre 1957 :
    A Miliana le 3ème RPC est averti
    qu'un fort contingent de rebelles
    se cache dans les égouts.
    L'engagement est extrêmement violent.
    Les Paras ont 7 morts
    et le FLN 16
     

                           Les égouts de Miliana.

            Cette région de Miliana, ville de montagne, à 130 kilomètres d'Alger, ou le régiment fait depuis le 8 octobre des fouilles et des embuscades incessantes dans son djebel boisé au pied du massif du Zaccar. La ville écrasée au pied de ce massif, supporte la terreur d'une bande de rebelles particulièrement active.

           A sa tête son chef Si Abdelaziz connait dans ses moindres recoins cette région et se permet de contrôler le périmètre sans avoir de problèmes majeur, pouvant se replier rapidement et se confondre dans le massif, zone inexpugnable lui servant de repaire et de base de défense, une forte végétation lui permet de se camoufler aisément et de circuler à l'insu de tous.

    Il possède à sa solde des complicités bien intégrés et insoupçonnables à l'intérieur de la ville.

      Les embuscades ne donnant pas satisfaction, des officiers du 3e RPC, habillés en uniforme de l'infanterie pour ne pas attirer l'attention des fells, font du renseignement pour sonder le terrain et glaner des indices sur la présence de la bande d'Abdelaziz.

    La décision de Bigeard et prise; encercler Miliana de nuit, et pénétrer dans la ville, il dispose son PC dans une école, pour notre part nous occupons une caserne abandonnée. Au petit matin, la surprise est totale pour les habitants de la citée à peine réveillée, en voyant défiler les paras en colonnes par six , chantant d'une seule voix « être est durer » notre chanson phare.

      Devant le PC , bien en évidence pour que toute la ville ne puisse l'ignorer, le fanion du régiment et de grandes photos de 1,20 mètre sur 1 mètre avec la légende « Para, tu est fait pour mourir, tu iras où l'on meurt. ». « Apprends à regarder la mort en face ». Après cette mise en scène, nous sommes tous partis de nuit sur les sommets tendre des embuscades, arpenter le terrain à la recherche d'un indice, d'un contact avec les rebelles.

       Pendant 8 jours de marches inlassables les traces de ceux que nous recherchons sont faibles. Aucun signe de la bande qui s'est mise en veilleuse, les marches de nuit deviennent épuisantes, harassés par des jours de traque en montagne, nous soufflons un peu dans cette caserne, où l'Escadron occupe plusieurs locaux.

     Prisonnier du Commando  de Si Abdelaziz
    entre les mains de paras du 3ème RPC après les combats
    dans les égouts de Miliana en octobre 1957

      Nous avons fait avec nos jeeps, des bouclages aux entrées de la ville afin de procéder à des filtrages d'entrés et de sorties des véhicules et des habitants. Les compagnies sans cesse sur la brèche ont fait un bilan d'une dizaine de fells tués d'une découverte de dépôts de munitions, récupérant des armes et des renseignements. Mais pas de bande, à croire qu'elle a disparu, volatilisée.

      Un drame vient endeuiller notre compagnie et plus particulièrement les deuxième et quatrième pelotons de notre Escadron. Les deux pelotons sont en commun dans une grande pièce ou sont alignés des lits en fer sur plusieurs rangs. Nos équipements suspendus aux pieds ou à la tête des lits, les armes également ou appuyées aux murs, les sacs TAP au pied du lit, certains se sont débarrassés de leur veste camouflée, la chaleur est dure à supporter dans cette atmosphère confinée, pas d'ouverture a portée de regard, des vasistas assez haut permettent à la lumière de pénétrer dans la chambre.

      Nous sommes en alerte maximum, prêts à dégager au premier appel des chefs de pelotons. Pour ma part, avec mon fusil-mitrailleur j'occupe le lit à l'entrée de la chambrée et mon équipe se tient pas très loin de moi.

    Un gars du 2ème peloton Françis D... et son camarade V..., sont allongés sur leurs lits. Plus loin, mon camarade Jacky Fièvre voltigeur se tient avec son équipe sa veste accrochée à un lit. Plus loin, un autre camarade Daniel Belot, ex-radio du capitaine Le Boudec. Je suis parti aux toilettes laissant le FM à la garde de mon pourvoyeur. Quand un sous-off fait irruption dans la pièce et hurle le branle-bas de combat, le sursaut est général. Tous les paras sautent de leurs lits en attrapant à la volée leurs équipements. Dans la frénésie du coup de gueule, les gars décrochent leurs brélages, et ceux qui ont enlevés leurs vestes, foncent la récupérer. Bref, çà bouge fort !.

        V...... attrape en tirant fort sur son équipement posé au pied de son lit en fer. La grenade quadrillée attachée à son ceinturon est coincée par la goupille dans une pièce métallique du lit. Il tire une deuxième fois sur son équipement ce qui a pour effet de sortir la goupille de la cuillère, celle-ci ce met à fuser: il lui reste 7 secondes pour réagir ! Il bondit en criant cherchant désespérément un endroit où jeter la grenade et protéger la vie de ses camarades. Il n'y a pas de fenêtre.

        Alors il prend une décision mortelle; en hurlant « grenade!! », il se plaque au mur tenant la grenade au creux de son ventre son équipement et son ceinturon autour de l'engin et attend l'explosion !. Tout les paras ont compris le drame qui se déroule sous leurs yeux.

    Que lui est-il passé par la tête durant les quelques secondes restant ? Un sursaut de courage et d'abnégation, car il sait que son geste ne peut lui sauver la vie, il pense à celle de ses copains pétrifiés . Certains n'ont pas réalisé la suite meurtrière. L'explosion de l'engin jette la panique et la confusion aux alentours. Les éclats de la grenade défensive sont projetés dans toutes les directions avec des morceaux de chair.

        Le para est resté debout le long du mur, il accuse toute la charge de la grenade, il hurle : « mon bras ! mon bras! » en agitant un moignon sanguinolent d'où l'os ressort à travers des lambeaux de veste et de chairs, il ne se rend pas compte que son ventre n'est plus qu'un trou énorme ou les intestins mélangés avec des débris de ceinturon s'écoulent.

    Mon brave camarade Jacky Fièvre avec lequel j'ai fait mes classe à Bayonne, debout au moment de l'explosion avec sa veste dans les mains reçoit un éclats de grenade par derrière en plein cœur. Il s'écroule mortellement touché, il mettra deux jours à mourir. mourrut également quelque jours après. Un para cherchant à s'abriter reçoit un éclat dans le poignet. Daniel Belot qui s'équipe reçoit des éclats dans sa manche de veste sans le toucher; un miracle pour lui !!

       Des morceaux de chair ont été projetés partout. Un gars retrouve un doigt dans sa gamelle dû l'explosion. C'est affreux !. Les gradés ont accourus avec l'infirmier, à la vue du carnage, ils font sortir tout le monde, sonné par l'explosion et le spectacle, les chefs de pelotons font un rassemblement, je fonce dans la chambrée récupéré mon FM et mon équipement, j'ai entendu le bruit de l'explosion loin de penser à la gravité de l'accident.Les cris de rassemblement, font réagir les paras, ce n'est qu'après que j'ai su ce qui s'était passé.

       Nous sommes partis dans cette opération ou les fells se retrouvent coincés dans les grottes souterraines se prolongeant sous la ville, dans un décor digne d'un film de science fiction, l'eau de la ville vient se jeter devant l'entrée de cette immense souterrain truffé de petites grottes, où poussent des plantes et des lianes presques blanches dû au manque de lumière, la chaleur et l'humidité aidant. Cet endroit est un véritable repaire ou vient se cacher la bande d'Abdelaziz, qui impunément rançonne les véhicules passant sur la route et perçoit des impôts; les habitants de Miliana sont terrorisés par cette bande sanguinaire.

      Ayant situé et encerclé les rebelles, l'assaut est lancé par « Bruno ».

    BB

    Voltigeur para LE VIEL dans les égouts de Miliana
      15 octobre 1957 :
    A Miliana le 3ème RPC est averti
    qu'un fort contingent de rebelles
    se cache dans les égouts.
    L'engagement est extrêmement violent.
    Les Paras ont 7 morts
    et le FLN 16
    Photo de Marc FLAMENT

     

    Les unités convergent vers l'entrée du souterrain, bloquant toutes les sorties possibles. L'ouverture sous la chute d'eau est rendue difficile par la pente très raide, les abords sont glissants par l'humidité et les plantes enchevêtrées aux abords de ce trou immense et haut d'environ 25/30 mètres, l'entrée étant dissimulée par la cascade, le ravin n'est accessible que part un groupe d'assaut réduit. C'est dans une semi pénombre que les paras de la compagnie d'appui du lieutenant Schmitt s'engagent dans ce décor fait d'immense lianes et de fougères aux feuilles blêmes, la clarté diffuse ne parvenant pas a fournir la chlorophylle nécessaire aux plantes.

      Les premiers gars engagés dans la grotte sont reçus par une violente fusilla, les premiers paras sont touchés mortellement, il faudra déloger les fells mètre par mètre au corps à corps, dans cette immense grottes d'autres grottes plus petites servent de protection ou les fells sont retranchés.

    L'Escadron participe au combat, des jets de grenades se succèdent, mais les paras sont bloqués dans l'entrée sans pouvoir faire un pas de plus, la bagarre dans les ténèbres n'est pas à l'avantage de nos gars.

      Pour faire plus de poids, un para suspendu au dessus de la grotte par une corde tient dans sa main un paquet de grenades attachées entre elles, il se laisse glisser jusqu'à l'ouverture, pendant que plusieurs paras se tiennent sur une petite plate forme juste au dessous et attendent que le gars balance ses grenades dans l'ouverture, mais après avoir dégoupillé une grenade, il fait un mouvement de balancier pour lâcher sont paquet de grenades qui lui échappe soudain et vient tomber au pieds des para de la plate forme, l'explosion des grenades ont déchiquetés ceux qui n'ont pas eu le temps de se mettre à l'abri! C'est terrible!

       Des lances-flamme sont mis en action par une autre unité mais sans résultat, ils seront délogés par des actes de bravoure de nos gars et éliminés, mais à quel prix !

      14 rebelles tués un seul prisonnier. Chez nous les pertes sont sévères 7 paras sont morts et 6 blessés plus ou moins gravement.

    Une peinture de DJEZAR Abderrazak dit ZAZAK

    Les corps des fells seront remontés et exposés sur la place publique afin que tous puissent les voir et reconnaitre et constater à quel point leur ville était pourrie.

      Une anecdote: le PC du colonel commandant le secteur et son terrain de tennis était juste au-dessus du souterrain.

    Miliana en deuil a rendu un pieux hommage à nos camarades du 3e RPC tombés au cours des combats qui ont permis l'anéantissement de la bande d'Abdelaziz.

      Des gerbes officielles et anonymes aussi, recouvrent les sept cercueils drapés dans les plis d'un drapeau. De chaque côté, figés, le visage fermée, des parachutistes, mitraillette à la hanche, montent la garde. Il y a un défilé mais pas de musique. Lentement, de leur pas décontracté, l'arme à la bretelle, en blocs compacts, les compagnies du régiment sont passées une dernière fois devant les cercueils. Et tous dans nos tenues camouflées nous avons chanté à pleine voix le regard dur et les yeux fixés droit devant, virilement « Paras Bigeard...Il faut souffrir... Savoir mourir...Sur le chemin de la victoire... ».

      A Miliana, les habitants de la ville se souviendront longtemps de nous, les paras du 3e RPC. Et de nos morts et de nos blessés.

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    Le coeur perçoit ce que l'oeil ne voit pas

     


    2 commentaires
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    Ah! ya MILIANA

    Son Saint Patron, Sidi Ahmed Benyoucef aurait dit :

    "Miliana, kharejha rabah, dakhelha rabeh"

    Qu'on en parte ou qu'on y vienne, que du Bonheur !

     J'y suis arrivé à 14 ans, que du bonheur

     

    LA VILLE DES PLAQUEMINES

     

     

    des CERISES

     

    Résultat de recherche d'images pour "cerise de miliana"

     

     

    et des COINGS

     

    et des douces confitures de Cerises et de Coings en losanges

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    Le coeur perçoit ce que l'oeil ne voit pas


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