•  

     

    « Je sentis une exaltation sans nom emporter mon
    âme vers  les régions ignorées de l'extase ».  

     
     
    «Nomade j'étais, quand toute petite je rêvais en regardant
    les routes, nomade je resterais toute ma vie, amoureuse des
    horizons changeants, des lointains encore inexplorés.»
     
     
    « Etre sain de corps, pur de toute souillure, après de grands
    bains d'eau fraîche, être simple et croire, n'avoir jamais douté,
    n'avoir jamais à lutter contre soi-même, attendre sans crainte
    et sans impatience l'heure inévitable de l'éternité… » !
     


    . «… Peu importeraient la misère, réelle maintenant, et la vie
    cloîtrée parmi les femmes arabes… Bénie serait même la
    dépendance absolue où je me trouve désormais vis-à-vis de
    Slimène - qu'elle appelle Rouh' - mon âme… Mais ce qui me
    torture et me rend la vie à peine supportable, c'est la
    séparation d'avec lui et l'amère tristesse de ne pouvoir le
    voir que rarement, quelques instants furtifs.. ».
     
     
     
    « Ainsi, nomade et sans autre patrie que l'Islam…
    C'est bien la paix, le bonheur musulman- et qui sait ?
    peut-être bien la sagesse... »   
     
     
                                      
                      I -  Isabelle Eberhardt, la nomade   

                       

     

    Si vous entamez la lecture de ce qui suit, vous pourrez difficilement
    vous en extraire tellement elle vous accaparera car Femme
    passionnée dans tout ce qu'elle entreprenait, pressée de jouir de
    chaque moment, sortant d'une religion pour en épouser une autre,
    abandonnant les aises de la vie occidentale en préférence de celle
    des nomades et du désert, avide d'aventures et de politique, pour
    mourir à l'âge de 27 ans emportée par les crues d'un oued avec
    d'autres Algériens qu'elle avait tant aimés..  Et son mari Slimène ne
    lui survécut que  3 ans...
     
    Et l'on se demande où a-t-elle trouvé le temps pour apprendre et
    pratiquer plusieurs langues, écrire des livres, des nouvelles, faire
    des reportages de presse, vivre une vie sentimentale tumultueuse,
    allant des beuveries au kif, faire la connaissance du général Lyautey, 
     être toujours partie ailleurs, décrire  sa mort...........
     
    Prémonition... ?
     

    Parmi les tombes essaimées dans la dune, parmi ces pierres
    anonymes et sans dates,une fosse est creusée, rapidement,
    si rapidement dans le sable léger ! Et sur le bord de ce petit
    fossé on pose le mort, face au soleil.Maintenant, en demi-cercle, les musulmans prient leur

    dernière prière, à voix basse, sans se prosterner. Très vite,
    sur une simple rangée de briques, on remblaie la fosse,
    et on plante trois palmes vertes dans le sable du tertre que la brise
    fraîche entame déjà… Tout le monde s’en va.Que c’est simple de mourir !



     
    Je suis mort, mon âme a quitté mon corps.
    On a pleuré sur moi les larmes du dernier jour.                                                                                                    Quatre hommes m’ont pris sur leurs épaules,
    En attestant leur foi au Dieu unique.
    Ils m’ont porté jusqu’au cimetière,
    Ils ont prié sur moi la prière sans prosternation,
    La dernière des prières de ce monde.
    Ils ont rejeté sur moi la terre.
    Mes amis sont partis comme s’ils ne m’avaient jamais connu,
    Et je suis resté dans les ténèbres de la tombe,
    Où il n’y a ni joie, ni chagrin, ni lune, ni soleil.
    Je n’ai plus eu d’autre compagnon que le ver aveugle.
    Les larmes ont séché sur les joues de mes proches,
    Et les épines sèches ont poussé sur ma terre.
    Mon fils a dit : »Dieu lui accorde sa miséricorde ! »
    Sachez que celui qui est parti vers la miséricorde de son Créateur
    Est en même temps sorti du cœur des créatures.
    Sachez que nul n’a souci des absents dans la demeure des morts.
    O toi qui es devant ma tombe,
    Ne t’étonne pas de mon sort :
    Il fut un temps où j’étais comme toi,
    Viendra le temps où tu seras comme moi.

    L’air de cette complainte est mélancolique et doux, la voix du
    taleb harmonieuse…Et je regarde le petit tertre abandonné là,
    pour toujours, dans le vide du désert de sable.

      L'Orient des femmes
                          Journaliers  
                                Isabelle Eberhatdt
                                         1877-1904                

        
    Isabelle en 1895 costumée en matelot
     
    Isabelle est née à Genève d’une mère russe allemande séparée de son mari, le général de Moëder. Elle s’installe en Suisse, à Genève dans la ville neuve avec le pope Trophimowski, un anarchiste nihiliste, philosophe et savant qui apprend à Isabelle le russe, le français, l’allemand et l’arabe. Il lui fait faire du cheval, des exercices physiques et l’habille déjà en homme. Isabelle a une sœur, Olga, deux demi frères, l’un, Vladimir, se suicide, l’autre retourne en Russie et Augustin, le grand « frère de mère », complice et aimé.A Genève elle rencontre un attaché de l’Ambassade de Turquie avec qui elle se lie d’une amitié amoureuse. Son frère Augustin part en Algérie, terre d’Islam, et s’engage dans la légion étrangère à Sidi Bel Abbés. Elle est désolée de cette séparation.


    Isabelle passe beaucoup de temps à la lecture : Zola, Chateaubriand, Daudet, Loti et Marie Bashkiseff dont elle emprunte l’écriture en forme de journal intime qu’elle nomme Mes Journaliers où elle se raconte au jour le jour.
    Pour elle, il y a de nombreuses affinités entre l’âme slave et l’âme arabe : Le sentiment de la fatalité
    Le nomadisme qui est une sorte de poursuite éperdue de l’insaisissable
    Le mépris des contingences auxquelles les sédentaires s’attachent
    Le besoin mystique de se rabaisser.
    Pour Isabelle, « la résignation islamique » répond à ces caractéristiques d’autant plus que l’Islam ne demande pas, comme l’affirmerait Loti, plusieurs fois cité dans ses Journaliers, le sommeil du désir. Au contraire, la lecture du Coran que fait Isabelle accorde vie spirituelle et vie charnelle. L’exemple lui est donné par le jeune Turc qui faillit être son fiancé.
     
    En 1897, Augustin, réformé, veut s’installer en Algérie. La même année, le diplomate turc est envoyé en mission dans ce pays.
    Ce concours de circonstance fait qu’Isabelle et sa mère décident de se rendre en Afrique du Nord, à Bône à l’est d’Alger. Ce premier contact avec la terre algérienne est exceptionnel pour le futur écrivain. La terre rouge, la mer intense, les figuiers, les grenadiers, les palmiers, les oliviers, les maisons à toits plats, les Koubas blanches, excluant tout pittoresque, enchantent Isabelle et sa mère.
    Les cimetières même ont pour elles l’image souriante de la mort.
    Les deux femmes s’installent dans la vieille ville et fréquentent « la bourgeoisie » indigène comme l’avaient fait avant elles Eugène Fromentin et Pierre Loti.
    Isabelle profite de ce séjour pour se perfectionner dans la langue arabe. Elle se promène dans les rues, drapée d’un burnous pour mieux se mélanger à ce peuple arabe qu’elle aime. Elle rêve d’écrire son « Eté au Sahara » comme Fromentin. Costumée en homme, elle ne tarde pas à se trouver une identité masculine : Mahmoud Saadi. Elle a le sentiment, pourtant, que son intelligence « presque inculte, presque en  friche » est beaucoup « plus en retard que celui de son âme. »

    Adoptant la posture orientale elle s’adonne avec délice à la rêverie horizontale. Pour le moment, écrit-elle, « rien de fixe dans mon existence toute arabe, d’une mollesse qui n’est point dangereuse, car je sens qu’elle ne durera pas. »
    Mais elle note aussi sur son cahier les observations qu’elle fait après les longues chevauchées à l’intérieur du pays.
    Elle se convertit à l’Islam avec sincérité et veut défendre « la cause islamique pour laquelle », dit-elle, elle voudrait « tant verser un jour ce sang ardent » qui bouillonne dans ses veines.
    La mort de sa mère survient lors de ce passage essentiel pour elle. Elle l’enterre dans le cimetière musulman à Bône, « la blanche Annéba. »
     
    De retour à Genève pour affaire, Isabelle écrit que sa pensée est restée avec « l’esprit blanc » de sa mère. Mais le deuil continue : le pope qui l’a élevée meurt à son tour. Elle s’enfuit à Tunis, visite Carthage, symbole d’une civilisation disparue, qui stimule son imagination.
    Ambivalente, elle se cherche. Elle noue une histoire avec un Tunisien, Aly, un bellâtre sans importance, dit-elle. Mais la route, le besoin de bouger, de voir du pays, s’impose à elle. Taraudée par le désir elle veut « poursuivre d’audacieuses aventures et d’indicibles rêves, coupés d’heures folles. » Elle confie à son journal : « des ivresses m’attendent » et cette idée lui serre le cœur d’une angoisse voluptueuse.
    Elle se rend à Constantine et s’arrête à Timgad, séduite par le fameux Arc de Trajan. Elle pousse jusqu’à Biskra qu’elle n’aime pas. Elle veut pénétrer le grand désert. Elle rencontre un officier de l’armée, le capitaine de Susbielle, qui veut l’emmener à Touggourt. Elle refuse car cet officier est trop dur avec les musulmans. 

              

    Son attitude indigénophile la rend suspecte aux yeux de nombre d’officiers en charge des Bureaux Arabes.
    Elle écrit dans ses Journaliers, indifférente au genre du pronom personnel qui la désigne, « je suis seul » et, mystérieusement, « regrette-t-il de m’avoir aimée ? ». Elle passe des nuits sans sommeil, lugubres, « à fumer du kif et à boire. »
    Elle part à Touggourt avec deux compagnons de rencontre. Voyage exemplaire, jouissif et harassant. « Le grand chott l’a bu » note-t-elle dans son journal.
    Des problèmes avec l’armée surgissent dans l’oasis. On l’autorise à aller dans le Souf, à El-Oued. Cette région traversée faite de coulées brunes durcies est, selon un géologue qu’elle cite, « une mer qui se serait solidifiée pendant une violente tempête. »
    A El-Oued, il lui semble que quelque chose de magique se passe. Elle semble y avoir trouvé « le reflet triste de son âme. » Elle y retournera régulièrement, attirée par son « aspect oriental d’un blanc idéal. ». Elle a l’intuition d’avoir trouvé là ce qu’elle cherchait : « la vision juste, unique, ineffaçable » de ce qu’elle doit faire.
    En août 1899 elle a le sentiment d’avoir enfin trouvé son pays. Ce sentiment se mêle à une sorte de nostalgie en voyant toutes ces femmes en bleu puisant de l’eau en se tenant par la main et au même moment un enterrement arabe. Elle est saisie par cette image groupant la mort et la vie.


     Autour de ce thé, ces Séfraouis, discutent-ils d'Isabelle,
    enterrée en leur ville et au milieu des leurs ?

     

    L’argent commence à manquer. Elle retourne à Marseille, comptant sur l’héritage de sa mère. Elle revoit son frère Augustin, qui a changé. En mal, dit-elle, parce qu’il est devenu trop matérialiste.
    Pour Isabelle le comble de la vulgarité c’est « ce manque de bravoure, cette prudence, cette affectation de vivre d’une façon raisonnable et bien calculée. »
    Elle écrit : « je n’étais pas faite pour tourner dans un manège avec des œillères en soie. »
    Elle va à Paris. Elle n’y reste pas, son « âme inférieure » l’ayant conduite très bas. Elle réagit en fuyant en Sardaigne, à Cagliari où elle pense récupérer son « âme vraie », sensitive et pure, « au dessus des bassesses où, avoue-t-elle, il me plait, par haine des conventions et aussi par un étrange besoin de souffrir, de traîner mon être physique. »
    Elle deviendra, selon Robert Randau, l’écrivain algérianiste qui l’accueillera à Ténès, « la sœur de charité de l’Islam. »
    Elle décide de sa voie : elle sera journaliste, écrivain.
     
    A Paris, la femme de l’explorateur Morés, assassiné sur les frontières de la Tunisie, lui donne l’occasion de retourner au Sahara. Une phrase de Loti : « dans un ksour de l’oued Ighaghar lointain… » décide de son avenir. Il lui faut partir coûte que coûte pour le « cher Sahara ». Elle sait que tout se décide à Paris en matière de littérature et que la presse de la capitale est « la seule qui vaut la peine qu’on s’en occupe, et qui seule fait une réputation. »   
    Elle débarque à Alger, prie dans ses mosquées, fume du kif et mène, selon elle, une « vie orientale. » Elle retourne à Constantine, descend à dos de mulet à El-Oued où elle s’installe « loin de la civilisation et ses comédies hypocrites. » Ses besoins se bornent à « avoir un bon cheval et quelques serviteurs à peine plus compliqués que ma monture. »
    C’est là qu’elle rencontre Slimène Ehnni, maréchal des logis aux spahis. Elle commence avec lui une histoire d’amour et rencontre les difficultés que rencontraient, en ce temps là, les couples mixtes formés d’Arabe et non Arabe.
    Avec lui elle « se livre à l’heure présente » et atteint enfin « la paix du cœur. »
    Elle dit étrangement de Slimène que « c’est le seul être que j’ai aimé d’amour, comme fraternellement… » Elle imagine même de vivre à l’orientale. « Peu importerait la misère, réelle maintenant, et la vie cloîtrée parmi des femmes arabes » si demeure avec cet homme un peu frustre la « sensation d’ivresse voluptueuse. » Elle a besoin pourtant de trouver « un type capable d’enseigner à Slimène ce qu’il ne sait pas, et il y a là une grande somme de travail. »
    Quand elle l’épousera, quelque temps plus tard, ce sera selon la tradition musulmane.
     
    Elle entre dans l’ordre des Kadrya, un ordre soufiste, voué au mysticisme, à la contemplation et à la méditation qui la pousse à plus de spiritualité et la mène à une « vie unitive. »
    Elle est acceptée dans une zaouïa, sorte d’école, de tribunal d’arbitrage et de mosquée où les élèves vivent en communauté. Ce lieu respecté est aussi une sorte d’institution charitable, de refuge, où les occupants vivent dans le cadre d’une vie de famille sous l’autorité du cheikh.
    L’ordre des Kadrya prie pour tous les hommes, sans distinction de religion, et même pour toutes les créatures, Sidna Aïssa, Jésus Christ, en première place.
    Le chapelet des Kadrya permet à Isabelle d’être accueillie partout dans les tribus du désert, qu’elle visite sur son cheval Souf.
    Ses nouvelles très autobiographiques relatent les randonnées qu’elle effectue alors, ses chasses, ses rencontres, ses fumeries de kif. Bien que sans argent, elle considère cette période de sa vie comme la plus heureuse et la plus inquiète. De ce bonheur, lucide, elle écrit en effet : « le politique le menace. »
    Sa santé se détériore : les cheikhs lui viennent en aide financièrement.

     


     
         Le général Lyautey, une connaissance d'Isabelle
     
     Le 29 janvier 1901, à Béhima, un illuminé disant obéir à Dieu tente de l’assassiner. Le sabre qui devait la tuer, heureusement dévié par un fil à linge tendu dans la salle, entame profondément les muscles et l’os de son bras. Blessure douloureuse qui demande une longue convalescence à l’hôpital où elle noue, malgré tout, une relation avec son médecin, le docteur Taste.
    Elle obtient de voir son agresseur pour essayer de comprendre. Comme un personnage dostoïevskien elle dit le respecter, ne ressentir pour lui ni haine, ni mépris car il serait, selon elle, son destin, le bras armé de Dieu chargé de l’éprouver.
    Lors du procès de son agresseur, elle plaide pour son acquittement.
    De retour à Batna, elle traverse, en caravane, des régions «  d’où la bénédiction de Dieu s’est retirée. »
    Batna, dit-elle, est une ville à la vie tristement militaire.
    Pendant ce temps, la justice qui s’occupe de sa tentative de meurtre, agit en silence contre elle. Les juges se demandent pourquoi cette Russe s’intéresse-t-elle au désert et à son petit peuple ? Pourquoi s’est-elle convertie à l’Islam ? Est-elle une espionne ? Ou l’instrument d’une confrérie ?
    La cour militaire qui a tranché décide de l’expulser d’Algérie pour « la protéger » et condamne l’accusé aux travaux forcés à perpétuité. La sentence est ramenée à 10 ans à la demande de la victime qui signe, de surcroît, le recours en grâce.
    A la surprise du tribunal, Isabelle s’était rendue à l’audience costumée en mauresque. 
    La décision du tribunal l’oblige une nouvelle fois à quitter l’Algérie. Elle regrette la mansarde qui abritait ses amours. Elle dit : « jamais plus l’ivresse des sens ne nous unira sous ce toit. »
    Elle se rend à Marseille où elle s’ennuie mais où elle peut enfin écrire. Elle s’aperçoit de la difficulté de s’exprimer, de l’indocilité des mots : « je voulais dire tout à fait autre chose que ce que j’ai dit et si imparfaitement dit » et de la nécessité de travailler dur pour arriver à ses fins.
    Du port phocéen, elle n’aime que le quai de la Joliette - « parce qu’il est la porte de l’Afrique. » Son mari Slimène a réussi à obtenir une permutation : il la rejoint et, tous deux, officialisent leur mariage à la mairie de Marseille, le 17 octobre 1901. De fait, Isabelle devient française. Son arrêté d’expulsion ne vaut plus.
    En 1902 elle retourne à Bône et retrouve « la mer gris de lin. » 

      «Elle était ce qui m’attire le plus au monde : une réfractaire. Trouver quelqu’un qui est vraiment soi, qui est hors de tout préjugé, de toute inféodation, de tout cliché et qui passe à travers la vie, aussi libérée de tout que l’oiseau dans l’espace, quel régal ! Je l’aimais pour ce qu’elle était et pour ce qu’elle n’était pas. J’aimais ce prodigieux tempérament d’artiste, et aussi tout ce qui en elle faisait tressauter les notaires, les caporaux, les mandarins de tout poils. » C'est ainsi que le général Lyautey décrit Isabelle Eberhardt.  
     
     Elle rencontre Victor Barrucand, directeur de la revue arabophile El Khabar. C’est un homme controversé qui l’a énormément aidée et sans doute énormément pillée. A Alger, Isabelle ne se sent pas à l’aise. C’est une ville européenne « déshonorée par la foule qui empêche le rêve et la pensée », aussi préfère-t-elle aller dans les quartiers arabes, la Casbah précisément, pleins de marchands, de gargotiers, « de sorciers », de vieux tolbas, de danseuses et de prostituées.                                               
    Sa collaboration avec Barrucand l’amène à Bou-Saâda, vers cet « air irrespiré, vierge de toute souillure. » Elle y rencontre Lella Zeyneb, célèbre maraboute d’une cinquantaine d’années, qu’elle trouve « assez usée. » Puis elle s’installe à Ténès, sur la côte, où son mari est employé comme khodja à 1000 francs par mois. Elle passe un an dans cette ville « petite et méchante », soutenue cependant par l’écrivain Robert Randau qui occupe les fonctions d’administrateur colonial. Sous le nom de Sophie Péterhof, elle rédige quelques textes centrés sur les fellahs pour El Khabar. Pour elle « le paysan arabe a la patience du moujik. » Cette série de nouvelles, publiés en 1903, insiste sur la situation intenable de la population indigène.                                                                       
    Isabelle à Ténés chez Roberte Randau
    Après Ténès, Isabelle se rend à Sétif. Envahie par le pessimisme, « cette progression dans le noir », elle s’interroge sur sa relation avec Slimène en souffrant de ses limites intellectuelles ou de sa défection dans leur couple. Elle reparle de ses sollicitations charnelles, de son corps en attente : « Il a inconsciemment la même préoccupation que moi des choses obscures et troubles des sens. » Elle pratique avec lui « l’amour comme un jeu, les nuits d’insomnies. » En septembre 1903 des tribus se soulèvent dans le sud oranais, à Figuig. Elle y va, s’arrête à « Aïn Sefra la fatidique » où elle est présentée au jeune général Lyautey. Elle fréquente les soldats, surtout ceux de la Légion Etrangère. On lui conseille d’aller voir Bou-Amama, le chef des insurgés, celui-là même qui intéressa Guy de Maupassant quelques années plus tôt.
     Le burnous d'Isabelle
    Vêtue de son burnous d’homme, elle pénètre dans les zones agitées. Elle note la délicatesse musulmane qui évite de révéler sa féminité alors qu’elle apparaît à tous ceux qui la croisent ou discutent avec elle. Malgré l’opposition européenne qui propagent des indiscrétions sur elle, les religieux musulmans continuent à se comporter avec elle comme avant.
    En 1904, elle décide d’intégrer une zaouïa marocaine où elle demeure tout l’été au milieu de jeunes étudiants pour y suivre ses rituels qu’elle décrit avec précision. Elle participe à chacun d’entre eux avec conviction pour accéder « au détachement » des contingences matérielles « plus d’obstacles à renverser, plus de progrès, plus d’action ! On ne sait plus agir, à peine penser : on meurt d’éternité. » Cette ascèse permet à cette femme profondément sensuelle de réprimer ses pulsions charnelles.  

      Isabelle : Les derniers jours

    Mais sa santé se détériore. Elle est hospitalisée à Aïn Sefra. Faute d’autorisation administrative, elle ne peut aller au-delà. Guérie apparemment, elle quitte l’hôpital où elle était soignée et visite les oasis du Touat sur lesquelles, dit-elle, « on a presque rien écrit de valable. »
    En octobre 1904, se sentant vraiment mieux, elle loue une petite maison construite au bord de l’oued. Le 20 il se met à pleuvoir à torrent. Une crue de l’oued emporte sa bicoque. On la retrouve noyée, ses manuscrits maculés éparpillés autour d’elle. Elle avait 27 ans. 
                        
     

     Merci Mon Ami pour ce nouveau post sur notre chère Isabelle
    J'ai lu le livre d'Edmonde Charles Roux (belle reliure brochée)
    et je suis toujours aussi fascinée par le destin de cette femme,
    surtout après avoir vu le téléfilm avec Mathilda May

    encore Grand Merci !!! Okay

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    Le coeur perçoit ce que l'oeil ne voit pas


     
     
     


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  •  

    Amel Brahim-Djelloul, la Soprano, offre à ses fans un méchoui à Beni Isguen (Ghardaïa)

    Vol spécial Alger-Ghardaïa et retour

     

     

    on dit que :

    "Dans l'oasis, il n'y a rien, mais tu ne manques de rien"

     

    Mechoui accompagné de musique locale

    Un adage dit :

    le premier thé est amer comme la vie »,

    le second est fort comme l’amour »

    et le troisième est doux comme la mort ».

    Une randonnée à dos de chameau est prévue

     

     

    La vie est faite d'étapes :

    La plus douce c’est l’Amour.

    La plus dure c’est la Séparation.

    La plus pénible c’est les Adieux.

    La plus belle c’est les Retrouvailles..... "

    le coeur perçoit ce que l'oeil ne voit pas

     


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  • Le bouquet de fleurs

     

     
     
    Blog de ghadames : ghadames, Le bouquet de fleurs

    Le bouquet de fleurs

    Sur un siège de bus était assis un vieil homme qui tenait à la main un bouquet de fleurs fraîchement cueillies.De l'autre côté de l'allée, il y avait une jeune fille dont le regard revenait sans cesse se poser sur les fleurs du vieil homme.

    Le moment arriva où il fallait que le vieil homme descende.

    Soudainement, il déposa le bouquet sur les genoux de la jeune fille" je vois que vous aimez les fleurs, dit-il, et je pense que ma femme aimerait que vous les ayez, je vais lui dire que je vous les ai données".

    La jeune fille accepta les fleurs, puis regarda l' homme descendre de l'autobus et pousser la grille d'un petit cimetière.

     

    On passe sa vie à dire adieu
    à ceux qui partent jusqu'au jour
    où on dit adieu à ceux qui restent.

     

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  •  Ils se sont repliés en France, mais leur coeur est resté en Algérie

    Il est toujours poignant de lire ces témoignages
    Et comme on les comprend!
    Nous aussi, d'ici, toujours fidèles en amitié, nous
    souvenons de nos amis perdus mais l'Histoire des Etats,
    des Peuples est ainsi faite...

     

    Un costume de femme arabe pour un sourire pied-noir...  

     
    Souvenir d'un pays inconnu  
    Petite-fille et fille de pied-noir, voilà, c'est moi. J'ai 26 ans, et, si mon papa pied-noir n'est plus là, toi, ma grand-mère, tu me racontes. Tu me racontes inlassablement, tes souvenirs remontent, te submergent, et moi, je t'écoute et je te regarde me transmettre le souvenir de ce pays que je n'ai pas perdu. Tout te manque. Et peu à peu, à mon tour, j'ai l'impression qu'il me manque quelque chose.                      Caroline. Nantes. 
     
      Le Paradis perdu  
    En quittant l’Algérie, en quittant la ville de Biskra, j’ai vécu la perte de l’amour, la perte du monde. Et depuis quarante ans, c’est à reculons que j’avance dans la vie.Somnambule affolé. Seul. Fouillant obstinément les rues et les jardins d’une ville presque oubliée, incertaine. Nous avions l’âge des délices et de l’oubli, l’âge de l’insouciance et des petits mensonges. Dans l’attente du sommeil, nuit après nuit, je m’abandonne aux souvenirs.
    Nous avions l’âge des regards éblouis, des regards éberlués autour d’un geste, reflet exclamé sous le voile. J’ai le regret de quelques visages, quelques prénoms. La nostalgie des voix éperdues et fragiles de nos jeux. J’ai le regret des mimosas, diadèmes parfumés racontant le printemps, des fleurs d’hibiscus proposées au soleil, des guirlandes de bougainvillier ruisselantes de bonheur j’ai le regret du désert. Immense. Infini. Le désert au seuil des maisons, déjà. Le Sahara sans repos, refoulant sans cesse des dunes. Le Sahara, où, une ou deux fois par an, rugissaient jusqu’à en mourir les eaux sombres et tumultueuses des oueds. Ardents débordements d’un ciel épouvanté par l’orage. Nous avions l’âge des courses folles dans les palmeraies bourdonnantes de miel. L’âge de nous rafraîchir, heureux dans les eaux lentes des seguias. L’âge de nous étourdir tout au long de ces grandes journées ouvertes sur nos rires sans fin. Nous avions l’âge des rencontres possibles, des défis lancés au ciel. Des rendez-vous soupirés aux terrasses complices de nos secrets d’adolescents. Nous avions 15 ans, et la mémoire pas encore mutilée.    
     Hebri Touitou. Paris
     

    La maison était videLe 5 juillet 1962, je me réveillai le matin, après une courte nuit de sommeil suivant une veillée très animée, joyeuse, bruyante, scandée par les slogans : « Algérie algérienne, vive l’indépendance, vive l’Algérie ! », sur la terrasse de chez nous, en compagnie de mes frères et sœurs, avec les klaxons retentissants des automobiles. Je courus taper à la porte de nos voisins français, qui habitaient au premier étage de chez nous depuis que ma mémoire était en mesure d’enregistrer des souvenirs. Je dévalai les escaliers à toute vitesse pour voir si cette famille tant adorée depuis des années, composée des parents, de deux enfants (15, 16 ans) et de leur tante maternelle, 35 ans environ et toujours célibataire, aller bien. Je fus vraiment choquée de ne pas les retrouver, la maison était vide… Mon Dieu, que je me suis sentie seule !      Houria Ferhani. Alger

    « Rappelle-toi, Hadj, c'était à Oran, en 1960 j'avais 4 ans. Nous habitions rue Gambetta, dans une grande maison partagée en trois logements, dans lesquels vivaient trois familles. Quel âge avais-tu ? Peut-être 7 ou 8 ans, tu étais un ‘grand' ! Il me reste quelques souvenirs de nos jeux, je garde de toi l'image d'un `grand frère' qui parlait fort, avec lequel je faisais des `batailles' de petites dattes sèches que l'on trouvait par terre dans le jardin. J'ai le souvenir d'un gamin sympathique, un peu déluré, arborant un beau sourire. Tu avais une soeur, Fatima, une jeune fille qui riait souvent. Je me revois avec elle dans le jardin, coupant de la coriandre parfumée. Elle m'apprenait à me servir d'une paire de ciseaux, je l'admirais.Il y avait aussi ton père, Aouled, tellement gentil avec moi. Je crois qu'il m'aimait bien et j'ai encore une photo prise par mon père où il me tient, assis à califourchon sur sa moto. Il riait en me serrant dans ses bras.
    J'allais voir ta maman en rentrant chez vous, comme si c'était chez moi. Je la trouvais assise par terre, sur un tapis, roulant le couscous de ses mains au-dessus d'un grand plat. Elle avait un nom idéal pour le jeune enfant que j'étais Lala. Elle aussi me souriait, m'accueillait à bras ouverts, je me souviens peu de son visage, mais je ressens encore sa chaleur maternelle, bienveillante. Tu te rends compte sans doute que, dans ma tête de petit garçon, nos deux familles n'en formaient qu'une seule. Je n'ai pas compris pourquoi, un jour, tout le monde autour de moi pleurait. Il fallait dire au revoir, mais cela ne signifiait pas grand chose pour moi. Je sentais autour de moi une grande tristesse, mais sans pouvoir la nom­mer ni la comprendre.

    J'ai fait un bisou à tout le monde, et nous sommes partis en voiture.  

    Je ne me souviens plus du voyage qui a suivi, une nouvelle histoire a commencé en France. Nous ne vous avons plus jamais revus, je n'avais pas compris pourquoi vous n'étiez pas venus avec nous, alors que nous vivions ensemble.L’ Histoire m'a séparé de ce « grand frère » en me lais­sant à l'intérieur un étrange sentiment de solitude. J'ai mis de longues années à comprendre que nous ne nous reverrions sans doute plus. Je ne pouvais en parler à mes parents sans raviver de profondes blessures, alors j'ai enfoui ce désir dans un coin reculé de ma mémoire en le cachant derrière un « à quoi bon ? » J'aimerai pour­tant te dire que, malgré cette séparation douloureuse, cette déchirure, le souvenir que je garde de toi est ton grand sourire. Ce sourire, avec ceux de ta famille, me rappelle que l'on s'aimait. Je vais de nouveau te dire au revoir, mais avec le coeur plus léger, car je viens de passer un moment avec toi, et cela faisait très longtemps que j'en avais envie.Alors au revoir, Hadj, et peut ­être à bientôt... »  
      Jean-Yves Maury. Courmangoux


    il faut que vous sachiez que, de ce côté ci, nombre de Pieds Noirs, et c'est la majorité, vous gardent dans leur coeur à jamais !

    beaucoup commencent à retourner en Algérie et retrouvent avec une joie immense d'anciens visages
    connus et n'est ce pas cela qu'il faut garder dans son coeur 

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    Le coeur perçoit ce que l'oeil ne voit pas

     


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