• Joie et douleur

     Ils se sont repliés en France, mais leur coeur est resté en Algérie

    Il est toujours poignant de lire ces témoignages
    Et comme on les comprend!
    Nous aussi, d'ici, toujours fidèles en amitié, nous
    souvenons de nos amis perdus mais l'Histoire des Etats,
    des Peuples est ainsi faite...

     

    Un costume de femme arabe pour un sourire pied-noir...  

     
    Souvenir d'un pays inconnu  
    Petite-fille et fille de pied-noir, voilà, c'est moi. J'ai 26 ans, et, si mon papa pied-noir n'est plus là, toi, ma grand-mère, tu me racontes. Tu me racontes inlassablement, tes souvenirs remontent, te submergent, et moi, je t'écoute et je te regarde me transmettre le souvenir de ce pays que je n'ai pas perdu. Tout te manque. Et peu à peu, à mon tour, j'ai l'impression qu'il me manque quelque chose.                      Caroline. Nantes. 
     
      Le Paradis perdu  
    En quittant l’Algérie, en quittant la ville de Biskra, j’ai vécu la perte de l’amour, la perte du monde. Et depuis quarante ans, c’est à reculons que j’avance dans la vie.Somnambule affolé. Seul. Fouillant obstinément les rues et les jardins d’une ville presque oubliée, incertaine. Nous avions l’âge des délices et de l’oubli, l’âge de l’insouciance et des petits mensonges. Dans l’attente du sommeil, nuit après nuit, je m’abandonne aux souvenirs.
    Nous avions l’âge des regards éblouis, des regards éberlués autour d’un geste, reflet exclamé sous le voile. J’ai le regret de quelques visages, quelques prénoms. La nostalgie des voix éperdues et fragiles de nos jeux. J’ai le regret des mimosas, diadèmes parfumés racontant le printemps, des fleurs d’hibiscus proposées au soleil, des guirlandes de bougainvillier ruisselantes de bonheur j’ai le regret du désert. Immense. Infini. Le désert au seuil des maisons, déjà. Le Sahara sans repos, refoulant sans cesse des dunes. Le Sahara, où, une ou deux fois par an, rugissaient jusqu’à en mourir les eaux sombres et tumultueuses des oueds. Ardents débordements d’un ciel épouvanté par l’orage. Nous avions l’âge des courses folles dans les palmeraies bourdonnantes de miel. L’âge de nous rafraîchir, heureux dans les eaux lentes des seguias. L’âge de nous étourdir tout au long de ces grandes journées ouvertes sur nos rires sans fin. Nous avions l’âge des rencontres possibles, des défis lancés au ciel. Des rendez-vous soupirés aux terrasses complices de nos secrets d’adolescents. Nous avions 15 ans, et la mémoire pas encore mutilée.    
     Hebri Touitou. Paris
     

    La maison était videLe 5 juillet 1962, je me réveillai le matin, après une courte nuit de sommeil suivant une veillée très animée, joyeuse, bruyante, scandée par les slogans : « Algérie algérienne, vive l’indépendance, vive l’Algérie ! », sur la terrasse de chez nous, en compagnie de mes frères et sœurs, avec les klaxons retentissants des automobiles. Je courus taper à la porte de nos voisins français, qui habitaient au premier étage de chez nous depuis que ma mémoire était en mesure d’enregistrer des souvenirs. Je dévalai les escaliers à toute vitesse pour voir si cette famille tant adorée depuis des années, composée des parents, de deux enfants (15, 16 ans) et de leur tante maternelle, 35 ans environ et toujours célibataire, aller bien. Je fus vraiment choquée de ne pas les retrouver, la maison était vide… Mon Dieu, que je me suis sentie seule !      Houria Ferhani. Alger

    « Rappelle-toi, Hadj, c'était à Oran, en 1960 j'avais 4 ans. Nous habitions rue Gambetta, dans une grande maison partagée en trois logements, dans lesquels vivaient trois familles. Quel âge avais-tu ? Peut-être 7 ou 8 ans, tu étais un ‘grand' ! Il me reste quelques souvenirs de nos jeux, je garde de toi l'image d'un `grand frère' qui parlait fort, avec lequel je faisais des `batailles' de petites dattes sèches que l'on trouvait par terre dans le jardin. J'ai le souvenir d'un gamin sympathique, un peu déluré, arborant un beau sourire. Tu avais une soeur, Fatima, une jeune fille qui riait souvent. Je me revois avec elle dans le jardin, coupant de la coriandre parfumée. Elle m'apprenait à me servir d'une paire de ciseaux, je l'admirais.Il y avait aussi ton père, Aouled, tellement gentil avec moi. Je crois qu'il m'aimait bien et j'ai encore une photo prise par mon père où il me tient, assis à califourchon sur sa moto. Il riait en me serrant dans ses bras.
    J'allais voir ta maman en rentrant chez vous, comme si c'était chez moi. Je la trouvais assise par terre, sur un tapis, roulant le couscous de ses mains au-dessus d'un grand plat. Elle avait un nom idéal pour le jeune enfant que j'étais Lala. Elle aussi me souriait, m'accueillait à bras ouverts, je me souviens peu de son visage, mais je ressens encore sa chaleur maternelle, bienveillante. Tu te rends compte sans doute que, dans ma tête de petit garçon, nos deux familles n'en formaient qu'une seule. Je n'ai pas compris pourquoi, un jour, tout le monde autour de moi pleurait. Il fallait dire au revoir, mais cela ne signifiait pas grand chose pour moi. Je sentais autour de moi une grande tristesse, mais sans pouvoir la nom­mer ni la comprendre.

    J'ai fait un bisou à tout le monde, et nous sommes partis en voiture.  

    Je ne me souviens plus du voyage qui a suivi, une nouvelle histoire a commencé en France. Nous ne vous avons plus jamais revus, je n'avais pas compris pourquoi vous n'étiez pas venus avec nous, alors que nous vivions ensemble.L’ Histoire m'a séparé de ce « grand frère » en me lais­sant à l'intérieur un étrange sentiment de solitude. J'ai mis de longues années à comprendre que nous ne nous reverrions sans doute plus. Je ne pouvais en parler à mes parents sans raviver de profondes blessures, alors j'ai enfoui ce désir dans un coin reculé de ma mémoire en le cachant derrière un « à quoi bon ? » J'aimerai pour­tant te dire que, malgré cette séparation douloureuse, cette déchirure, le souvenir que je garde de toi est ton grand sourire. Ce sourire, avec ceux de ta famille, me rappelle que l'on s'aimait. Je vais de nouveau te dire au revoir, mais avec le coeur plus léger, car je viens de passer un moment avec toi, et cela faisait très longtemps que j'en avais envie.Alors au revoir, Hadj, et peut ­être à bientôt... »  
      Jean-Yves Maury. Courmangoux


    il faut que vous sachiez que, de ce côté ci, nombre de Pieds Noirs, et c'est la majorité, vous gardent dans leur coeur à jamais !

    beaucoup commencent à retourner en Algérie et retrouvent avec une joie immense d'anciens visages
    connus et n'est ce pas cela qu'il faut garder dans son coeur 

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    Le coeur perçoit ce que l'oeil ne voit pas

     


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