• Seance de cinéma

     

     

      Résultat de recherche d'images pour "lazhari labter"    Un extrait du livre

     Journaliste, poète et écrivain. Né à Laghouat (Sud algérien) en 1952. Vit et travaille à Alger où il assume la direction des éditions Alpha tout en développant sa propre maison d'édition, éditions Lazhari Labter, lancée en 2005. Il est l'auteur de :

    Novembre mon amour, poésie, Alger, 1978
    Florilège pour Yasmina, poésie, Alger, 1981.
    Journalistes algériens, entre le bâillon et les balles,
    témoignage, Editions l'Harmattan, Paris, 1995
    Yasmina ou les sept pierres de mon collier d'amour, poésie,
    Editions Barzakh, Alger, 2001
    Retour à Laghouat, mille ans après Beni Hilel,
    Editions El Ikhtilef, Alger, 2002
    Retour à Laghouat, mille ans après Beni Hilel (version arabe),
    Coédition El Ikhtilef-Dar El Farabi, Alger, 2002
    Le pied d'ébène de Bilkis sur le pavé de cristal, poésie,
    Editions El Ikhtilef, Alger, 2005
    Journalistes algériens 1988-1998 : chronique des années d'espoir et de terreur,
    Editions Chiheb, Alger, 2005
    Malika Mokeddem, à part, entière
    (Avec Malika Mokeddem)
    Editions Sedia, Alger, 2007

     Et à venir: Hizyia, Une bien belle histoire d'Amour

    dont nous attendons avec impatience la parution

     

    Tout comme mon ami Lazhari Labter, j'ai dû ,

    mais bien avant lui, faire des coudes

    pour prendre place en ce cinéma de notre enfance

    Plaça X

     

    Je me souviens que, tout comme j'aimais les « journous », j'adorais le cilima, le cinéma. Un mot magique dont l'évocation seule ouvrait la porte des rêves les plus beaux. Le cinéma existe toujours et porte le nom de M'zi, le fameux oued qui permit l'existence de la ville et d'où Fromentin la découvrit pour la première fois en 1853, un an après le saccage. C'était une grande bâtisse dotée d'une salle de projection et d'une grande cour où l'on passait les films en été. Il y avait de tout : des films de guerre américains, des westerns, des films policiers ou d'espionnage, et des peplums. J'aimais par-dessus tout ces derniers. Je plongeais avec délice dans le monde mystérieux et fascinant des héros, des dieux, des déesses, des demi-dieux et des demi-déesses sans me douter un instant que ces histoires incroyables auxquelles je croyais dur comme fer étaient sorties de l'imagination fertile d'un certain Homère dont, bien plus tard, je fis connaissance avec son Iliade et son Odyssée. Achille, Ajax, Hercule, Ulysse, Hélène, Zeus et tant d'autres alimentaient mes rêves d'aventures dans mon oasis où les seuls géants qui allaient à la conquête du ciel et s'enfonçaient dans les profondeurs de la terre étaient les majestueux palmiers dont mon père, héros à sa manière, extrayait, en grimpant au sommet de ces Olympes, le délicieux legmi et les bonnes dates nourricières.Pour accéder au cinéma, il fallait se battre. La séance du soir commençait à vingt heures. Le minuscule guichet derrière lequel le préposé délivrait les tickets pour le paradis était pris d'assaut dès l'ouverture, deux heures avant la projection. Il fallait jouer des coudes au milieu de la masse compacte de cinéphiles déchaînés. Beaucoup, comme moi, ne faisaient pas le poids. Au milieu de la chaleur étouffante, de la sueur insupportable, les pieds écrasés et les côtes enfoncées, tous, ignorant la douleur des coups et des piétinements, ne rêvaient que d'atteindre l'Eldorado : le petit trou carré où le ticket pour le bonheur leur serait délivré contre une somme modique. Les plus forts s'étaient spécialisés dans l'achat et la revente des précieux tickets aux plus chétifs dont je faisais partie. Le prix des places était fixé en fonction de l'emplacement des chaises. L'arrière, le milieu et l'avant, tout près de l'écran. La place de devant qui coûtait 20 centimes portait le nom de « plaça X ».Le plaisir de voir un film était assuré au prix d'un torticolis. Mais peu me chaulait, pourvu que j'eusse ma dose d'Ouest américain où pionniers et Indiens guerroyaient dans des paysages à couper le souffle, de Grèce antique où héros et monstres surgis des enfers s'affrontaient en des batailles épiques dans des mers ou des terres à leur mesure, dans des palais en carton pâte. Mais ça, je ne le savais pas encore. Tout comme je ne savais pas alors que les « héros » américains au visage pâle étaient des massacreurs de nations indiennes souveraines tout comme les Pélissier, les Bouscaren et les Randon, « héros » français, avaient massacré les habitants de ma ville en 1852, un siècle avant que je vienne au monde, et projeté de « raser la ville et d'en disperser les habitants ».La machine hollywoodienne à fabriquer des mythes tournait à plein régime et moi je ne pensais qu'à décrocher ma place X. C'est de ce temps sans doute que date mon aversion pour les places de devant au cinéma. Mais encore aujourd'hui, quand il m'arrive d'aller voir un film et que, bien installé au milieu de la salle, calé dans un siège confortable, je ne peux m'empêcher de penser avec nostalgie, en attendant les premières images du film, à ma place X gagnée de haute lutte.Extrait de La Cuillère et autres petits riens, ouvrage de monsieur Lazhari Labter à paraître aux Editions Lazhari Labter

    Le coeur perçoit ce que l'oeuil ne voit pas


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