• Le conte de Djohra

     

     

    Le conte de Djouhra. 

    Il était une fois un petit village, loin là-bas.

    Près de ce village vivait une jeune femme seule, n’ayant pour compagne qu’une colombe.

    Cette jeune femme s’appelait Djouhra, la Perle. De la perle, elle en avait la carnation, la blancheur, la grâce, l’élégance, la beauté et la simplicité. Sa maison était située assez loin du village, à la lisière de la forêt. Elle possédait un jardin qu’elle avait partagé en trois parties. Devant, elle cultivait des fleurs et derrière, elle avait deux potagers. Dans l’un, poussaient des légumes, dans l’autre des simples.

    Djouhra connaissait toutes les vertus des plantes, aussi bien de celles qu’elle cultivait que celles de la forêt qu’elle cueillait quand elle en avait besoin. Le jardin s’étendait jusqu’à la rivière, très profonde. En effet, Djouhra, dans sa sagesse, a choisi cet endroit afin de ne pas être dérangée.Pour traverser la rivière, il fallait soit emprunter un pont qui se trouvait en aval, soit un passage à gué en amont.Une jolie barrière entourait toute la maison, mais non pas pour empêcher quiconque d’entrée, car la maison de Djouhra était ouverte jour et nuit à qui venait lui rendre visite.

    Djouhra allait rarement au village, sauf pour soigner les villageois quand ils avaient besoin d’elle. Ils venaient aussi pour lui demander conseil. Ce qu’elle ne refusait jamais.

    Djouhra avait un secret. Elle connaissait le langage des animaux.Elle était au courant de tout, car sa colombe lui racontait tout ce qui se passait aux alentours.

    Mais, car il y a un mais, de l’autre côté de la rivière tout au fond des bois vivait un être infâme qui avait juré la perte de Djouhra. Cet être méprisable et vil haïssait Djouhra pour sa beauté, son intelligence, pour les soins qu’elle donnait toujours avec le sourire aux villageois ainsi qu’aux animaux.

    Il la détestait parce qu’elle était belle comme le jour et lui aussi laid qu’une couvée de singes, qu’elle avait de l’esprit et qu’il était un demeuré, qu’elle avait de l’élégance, de la prestance, et que lui n’était qu’un avorton. Elle respirait la franchise et lui n’était que lâcheté et trahison.

    Les gens qu’ils fréquentaient étaient à son image. C’étaient des êtres vils, sournois, perfides. Des individus méprisables, toujours prêts à fomenter un mauvais coup. Bref, ils étaient les déchets de l’humanité, la lie de la société. Il savait également que si les animaux aimaient particulièrement Djouhra, ils le détestaient et fuyaient son approche, car ils sentaient qu’il était un homme mauvais.

    Un matin, Djouhra était en train de cueillir des fleurs quant elle vit sa colombe venir à tire d’ailes. Celle-ci se posa sur son épaule et se mit à lui becqueter le cou.

    -Qu’y a-t-il ma mie ? Te voilà dans tous tes états.

    -Je viens d’apprendre une chose affreuse.

    -Quelle chose, ma mie ?

    -L’affreux bonhomme a rameuté tous ses chiens et quelques-uns de ses amis

    et il a l’intention de t’attaquer cette nuit.

    -Comment compte-t-il s’y prendre ?

    -Il a l’intention de faire passer ses chiens par le gué.

    La colombe n’avait pas fini de parler que Djouhra vit un loup sortir de la forêt et s’arrêter à la lisière.

    Sachant qu’il n’aimait pas se trouver en terrain découvert, elle s’avança vers lui.

    – Bonjour, mon ami, lui dit Djouhra, tu as quelque chose à me dire ?

    – Je venais t’apprendre une mauvaise nouvelle, mais je vois que ta colombe t’en a déjà informée. Que pouvons-nous faire pour t’aider ?

    – Rien, mon ami, je te remercie de ta sollicitude. Je sais ce que je dois faire, mais reste vigilant.

    Le loup s’en alla aussi vite qu’il était apparu.

    A ce moment, un léger tourbillon s’éleva devant Djouhra, puis se transforma en une apparition légère et éthérée. C’était la fée des bois.

    -Je pense que tu dois déjà être informée de ce que trame l’affreux nabot

    des bois, Djouhra. As-tu besoin de mon aide ?

    -Non merci, mon amie, je sais ce que je dois faire. Mais sois vigilante.

    La fée disparut dans un nouveau tourbillon.

    Djouhra descendit tranquillement vers la rivière, mit sa main dans l’eau et murmura quelques paroles.

    Un instant plus tard un brochet sortit sa tête de l’eau.

    – Je sais que ton ennemi, ce fourbe, cherche à te nuire. Que puis-je pour toi ?

    Djouhra lui parla longuement. Le brochet après l’avoir écoutée, fit plusieurs bonds, puis disparut dans la rivière.

    La colombe, encore tout émue, demanda à Djouhra si elle n’avait pas peur de la meute des chiens que le sournois avait ramenée.

    – Une meute ! Ma mie, c’est un bien grand mot pour un ramassis de clébards tapageurs et braillards et qui ne sont courageux que parce qu’ils sont nombreux.

    Puis, Djouhra alla vaquer à ses affaires, comme si de rien n’était.

    Le soir, comme à son habitude, elle alla se coucher sans fermer ni portes ni fenêtres, puisqu’elle n’avait rien à craindre.

    Puis, au beau milieu de la nuit, alors que tout était calme, des aboiements et des cris affreux se firent entendre.

    Djouhra ne bougea point. Elle savait ce qui se passait.

    Ce qui se passait était en effet assez affreux et les cris de douleur et de plainte qui émanaient des chiens avaient alerté tout le village, mais personne ne bougea non plus.

    Dans la nuit noire, lorsque l’affreux nabot, vil et immonde, qui voulait attaquer Djouhra s’avança avec ses chiens et deux de ses acolytes dans la rivière, il ne s’attendait pas à ce qui allait se passer.

    En effet, à peine ses chiens entrèrent-ils dans l’eau qu’ils furent attaqués de toutes parts par un banc de brochets. Des centaines et des centaines de brochets qui mordirent, déchirèrent et déchiquetèrent les chiens sans quartier. Comme ils en avaient reçu l’ordre, ils ne touchèrent pas aux hommes. Ceux-ci s’enfuirent sans plus chercher à comprendre.

    Le temps passa et Djouhra continua à remplir ses journées comme d’habitude, sans penser à son ignoble voisin.

    Mais un jour, la colombe vint lui dire que de nouveau, il s’apprêtait à l’attaquer, cette fois-ci par le pont, car il allait se faire aider par ses sinistres amis, qui, étant comme lui sans foi ni loi, étaient prêts à tout pour commettre une mauvaise action.

    Le loup et la fée apparurent de nouveau pour lui demande si elle avait besoin de leur aide.

    Comme pour la première fois, Djouhra refusa et les remercia.

    Djouhra s’en alla à la lisière de la forêt et murmura dans le vent.

    Quelques minutes plus tard, un sanglier apparut.

    Djouhra lui parla longuement. Puis ils se séparèrent.

    Elle vaqua comme à son habitude sans se soucier de rien. Puis ce fut l’heure de se coucher.

    Dans le plus profond de la nuit, elle entendit des bruits et des cris terribles, mais elle ne bougea pas. Les villageois aussi entendirent, mais personne ne sortit.

    Lorsque le sordide individu et ses sinistres compagnons armés jusqu’aux dents sortirent de la forêt, ils ne s’attendaient pas à ce qu’ils allaient trouver avant d’avoir fini de franchir le pont. En effet, à peine venaient-ils de poser le pied sur la rive qu’une bande de sangliers sortit de la forêt et les chargea, ne leur laissant pas le temps de quitter le pont.

    Ils les chargèrent, les refoulèrent et les poursuivirent loin dans la forêt, mais sans les blesser ni les tuer, car ils avaient reçu l’ordre de Djouhra de ne pas les toucher. Ils devaient juste leur faire peur. Ce qu’ils firent.

    Du temps passa, mais les animaux étaient toujours à l’écoute de l’infect habitant des bois. Ils se méfiaient de lui et l’espionnaient pour connaître son prochain mauvais coup. Qui n’allait pas tarder d’ailleurs.

    Un jour, la colombe vint dire à Djouhra que le misérable avait loué une cahute qui se trouvait en dehors du village, de l’autre côté, mais à la lisière de la forêt et qu’il y habitait avec plusieurs autres sbires.

    -Je n’aime pas ça, dit Djouhra.

    -Toi, ne t’approche pas de leur cabane, car ils te connaissent, mais envoie tes amis

    pour écouter et voir ce qu’ils peuvent bien manigancer.

    Aussitôt dit, aussitôt fait.

    Un peu plus tard, la colombe revint tout effarée de ce qu’elle avait appris par ses amis.

    – Alors, ma mie, que t’ont dit tes amis.

    Ils ont entendu dire qu’ils allaient mettre le feu à la forêt demain matin de bonne heure et s’enfuir ensuite.

    -Oh, cela est grave, ma mie, je crains que cette fois-ci, ils n’aient dépassé les bornes.

    Elle s’en alla à la lisière de la forêt et murmura dans le vent.

    Apparut tout d’abord la fée, puis le loup et ensuite le sanglier.

    -Mes amis, je crois bien que cette fois-ci nous allons devoir employer les grands moyens

    afin d’empêcher ces malandrins de nuire pour toujours. Voici mon plan.

    Et elle le leur exposa. La fée et les animaux acquiescèrent puis se séparèrent. Si personne dans le village ne se doutait de rien, en revanche, la forêt était en ébullition.

    Les brigands qui étaient dans leur cabane ne dormaient pas. Ils étaient trop anxieux et attendaient le petit jour afin de commettre leur forfait et de disparaître. Enfin, le jour commença à poindre. Ils se levèrent, prirent les torches qu’ils avaient préparées et ouvrirent la porte pour sortir.A peine étaient-ils dehors qu’ils furent pris d’une grande frayeur et rentrèrent précipitamment. Ils se regardèrent pour voir si ce qu’ils avaient vu était bien réel et la même épouvante se lisait dans leurs yeux.

    A ce moment, ils entendirent une voix leur dire :

    – Sortez et il ne vous sera pas fait de mal.

    C’était Djouhra.

    Les misérables individus se regardèrent puis, se sachant impuissants, sortir.

    Et ils virent qu’ils n’avaient pas rêvé.

    En effet, devant la cabane, en premier rang se trouvaient des loups, les crocs menaçants et le poil hérissé, ensuite venait la troupe de sangliers sauvages et farouches, et pour finir des ours qui, apprenant que Djouhra leur amie était en danger, étaient venus de leur lointaine montagne pour l’aider. Massifs, ils formaient une formidable masse dangereuse et impressionnante.

    Au-dessus d’eux, tout ce que comptait la gent ailée était là, obscurcissant le ciel : des aigles, des faucons, des éperviers, des milans, des hirondelles, des corbeaux, des corneilles, des pies, des merles, des pigeons, enfin tout ce qui volait.

    Djouhra, vêtue d’une longue robe blanche, sa colombe sur l’épaule, se tenait devant tous ces amis, la fée se tenant près d’elle.

    – Par deux fois, dit-elle aux misérables, vous avez voulu attenter à ma vie,

    mais je vous ai laissé la vie sauve à chaque fois. Mais, cette fois, ce que vous vouliez faire était très grave. Brûler la forêt, c’était nuire à tous mes amis. C’est un grand crime. Je savais que vous n’étiez que des misérables, mais je ne pensais pas que vous seriez aussi mauvais. Aussi, cette fois-ci, vous serez punis.

    A ces moments, toute honte bue, les scélérats se jetèrent à ses pieds pour lui demander pardon.

    -Levez-vous, leur dit-elle, il n’est pas dans mes intentions de vous tuer.

    Je ne veux pas avoir votre sang sur mes mains, ni votre mort sur ma conscience.

    -Votre punition, la voilà. Elle est toute simple. Vous allez quitter le pays sur le champ.

    Vous allez sortir du village, accompagnés par tous mes amis ici présents. Une fois loin d’ici, dites-vous bien que quoi que vous fassiez et où que vous alliez, je le saurais. Le moindre petit oiseau qui volera au-dessus de vous et le moindre petit animal que vous rencontrerez m’en informera aussitôt.

    Puis sur un signe, les animaux encadrèrent les malfaisants, les loups d’un côté, les sangliers de l’autre, les ours derrière et les oiseaux dans le ciel, mais volant très bas.

    Les villageois entendant des grondements et des martèlements sortirent sur le pas de leur porte et furent stupéfaits de voir le spectacle qui se déroulait sous leurs yeux. Sans comprendre ce qui se passait, ils virent des individus sinistres, mais à l’air épouvanté et tremblant de tous leurs membres, s’accrochant les uns aux autres, s’avancer tout au long de la rue, encadrés par des animaux que d’habitude ils ne voyaient jamais. C’était un cortège impressionnant et grandiose à la fois.

    Arrivés à la sortie du village, les animaux s’arrêtèrent. Les gueux ne demandèrent pas leur reste et sans aucune honte prirent leurs jambes à leur cou. On ne les revît jamais. Peut-être le sable les a-t-il ensevelis ou la mer les a-t-elle engloutis ? Qui sait ?

    Les animaux regagnèrent la forêt et Djouhra repartit dans sa maison sans un seul regard pour les villageois.

    Elle continue de vivre, entourée de ses amis les animaux et en compagnie de sa colombe, délivrée à tout jamais de la malfaisance de son voisin le fourbe.

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    Le coeur perçoit ce que l'oeil ne voit pas


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