• Confession intime

     

     

     

    "L'inconnu de Djenan el Beylik" Par K.HADJOUDJA

    "L'inconnu de Djenan el Beylik" Par K.HADJOUDJA

    "L'inconnu de Djenan el Beylik" Par K.HADJOUDJA

    L’INCONNU DE « DJENANE EL BEYLECK »

     

      CONFESSION INTIME

    Jeudi 6 octobre 2016, de retour du Schettet par une belle matinée ensoleillée qui respirait toute la fraicheur de ce début d’automne, je pénétrai dans le PARC D’EL QUODS, appelé communément DJENANE EL BEYLICK par son accès sud que j’ai décidé d’emprunter comme raccourci pour déboucher sur le Terminus des autobus de transport urbain du centre-ville…

    Un bref regard sur le paysage aux alentours  me fit constater que contrairement à son habitude, le parc a été cette fois-ci, « toiletté » sérieusement : Les espaces verts ont été expurgés de leurs feuilles mortes, les allées lavées à grande eau, les bancs sérieusement dépoussiérés et nettoyés, les détritus enlevés…Je dois dire que ce fut une agréable surprise pour moi !

    Ce carré de verdure respirait, ce matin-là, la propreté et la fraicheur. Ce « haut degré » d’hygiène, tout à fait inhabituel dans ces lieux, m’incita à faire une pause un petit moment au milieu de cet ilot de verdure calme et verdoyant. Je choisis donc un banc inoccupé sous l’ombrage crée par les grands arbres touffus, situé dans une allée ou la circulation piétonnière était moins intense.

    J’étais là depuis environ dix minutes à contempler les passants entrer et sortir du parc ; la plupart encombrés  de leur couffin ou de leurs sachets  remplis de légumes et de fruits achetés à la « place des oliviers ».

    Absorbé par ce spectacle anodin, je n’avais pas détecté la venue d’un vieux monsieur d’une soixantaine d’années, qui s’était installé subrepticement à l’autre bout du siège…Son air était étrange. Un pli dur lui barrait le front. Il était de haute taille, décharné, l’air las et fatigué ; avec une barbe fournie comme une toile d’araignée. On devinait derrière ses yeux bleus ternes et ses traits tirés, l’existence d’une maladie cachée (Diabète ?) ! Ses cheveux, jadis noirs, blanchissant déjà, clairsemés sur le front et les tempes lui faisaient une tête de philosophe…Il avait l’air si abandonné, si désespéré, en proie à une agitation profonde qu’il tentait de dissimuler tant bien que mal…Son dos vouté et sa tête affaissée lui donnait une expression pitoyable. A un moment donné, je le surpris en train de me fixer avec insistance, pourtant ce personnage était totalement inconnu pour moi ! Il n’avait pas l’air d’un S.D.F. bien au contraire son maintien était soigné, il était propre malgré qu’il portait de vieux habits. Un bonnet de laine couvrait sa tête camouflant partiellement sa calvitie naissante. Un cabas de couleur noire était posé à côté de lui…

    Voyageur ? Trabendiste ? Travailleur en transit ? L’énigme demeura entière pour moi jusqu’à ce qu’il consente volontairement à faire le premier pas, en me saluant d’un «  Bonjour si el hadj ! ». Je lui rendis son salut par un : «  و عليكم السلام  و رحمة الله و بركته ».

    -« Est-ce que je peux m’approcher près de vous ? Si cela ne vous dérange pas trop bien sûr ! », Demanda-t-il pudiquement.

    -« Non, non, faites donc ; je vous en prie ! », légèrement étonné par sa requête.

    Dans son empressement à vouloir m’aborder, il fit basculer son cabas qui tomba à terre. Gêné, il le ramassa, se rassit et le plaça sur ses genoux. Toute cette précipitation provoqua en moi une vague intuition que ce monsieur voulait absolument se défaire d’un lourd « héritage » haï et  suffocant qui semblait être devenu avec le temps insupportable pour lui…Tout son comportement prouvait qu’il avait un besoin impérieux de se confier à quelqu’un…

    Les minutes passèrent. Apparemment, il était incommodé et cherchait désespérément une manière simple et directe d’entamer la conversation. Je décidai de l’aider en prenant les devants :

    -« Vous voulez un thé ? Je peux vous l’apporter, lui dis-je, il y’a là-bas un marchand de thé qui prépare, semble-t-il, du bon thé ».

    -«  Non merci beaucoup. Je viens de prendre un presse café, et je l’ai toujours en travers de l’estomac ! » Répondit-il. Je continuais.

    -« On dirait que vous venez de faire un long voyage ? ».

    -«  Oui, c’est vrai. J’arrive de TAMANRASSET où j’ai passé une quinzaine de jours ».

    -«  En mission commandé ? ».

    -« Oh non ! Ce temps d’épreuves est fini pour moi depuis bientôt 10 ans ! Je fais partie de la cohorte des retraités depuis 2006 ! J’étais un ancien cadre financier dans une société pétrolière étrangère ! J’ai passé la majeure partie de ma vie professionnelle dans la région d’IN AMENAS ; ne rejoignant ma famille que durant les courts séjours des congés de récupération ! ».

    -« Vous avez donc choisi de faire un voyage d’agrément pour profiter pleinement de votre retraite et ainsi voir d’autres horizons ! ».

    -«  Hélas non ! Ce n’est malheureusement pas le cas. Je suis comme un ROMANICHEL errant de ville en ville !! ».

    -« Ah bon ! Puis-je vous demander ce qui vous pousse à roder sans but de par ce monde effrayant ? ».

    -« C’est une longue histoire Si El Hadj, je suis comme qui dirait, victime de MALTRAITANCE CONJUGALE ! ».

    -« Ce phénomène est plutôt rare chez nous ; répliquai-je ; le contraire serait plus plausible…Enfin, je vous crois… ».

    -«  Je réalise aujourd’hui que mes longues absences professionnelles hors du cadre familial ont eu un impact très négatif sur l’éducation et l’évolution affective de mes propres enfants envers moi ; à tel point que maintenant j’ai raté mon intégration dans ma propre famille à cause de mon refus d’obtempérer à leurs désidératas démesurés. Trente années de vie commune parties en fumée !! Nous nous sommes séparés dans la haine et le conflit !!

    La communication était devenue très difficile, voire impossible, prédisant pour moi une vie future de souffrance et de rejet. J’étais désigné comme seul coupable de mes difficultés…Mes enfants, victimes de la discorde   parentale, pris dans un conflit de loyauté se sont vus contraints de choisir entre leur père et leur mère : ils ont choisi leur mère !! C’était prévisible. J’étais presque un inconnu pour eux ! Je n’aurais jamais pu imaginer  un  jour payer  le prix fort pour ce « caprice  du  destin »…

    Pourtant DIEU seul sait combien j’ai souffert, en dépit de la distance qui nous séparait, pour les élever, les instruire, les éduquer. Je n’ai jamais refusé d’adhérer à leurs désirs d’enfants et d’adolescents ; ou les avoir frustré de quoi que ce soit dans la mesure de mes possibilités. J’ai sacrifié les plus belles années de ma vie à leur bâtir une belle villa à deux étages avec jardin et piscine, dont je n’ai même  pas eu le loisir d’en profiter…

    Les rapports familiaux étaient devenus empoisonnés voire infernaux. J’étais arrivé au point d’être incapable de maitriser ma propre vie. J’étais surtout conscient du fait que plus je me laisse sombrer dans la dépression, plus c’est difficile de remonter la pente. Même si je possède par nature et par expérience le bagage nécessaire à vivre dans une certaine solitude, cela me fait mal, parfois très mal…

    Tout a commencé par des attitudes haineuses et agressives au milieu de l’année 1995. On venait d’emménager dans notre nouvelle demeure. Puis progressivement, je fus l’objet de pressions intolérables, d’intimidations, de manipulations émotionnelles et d’abus financiers qu’elle utilisait  comme moyens pour obtenir ce qu’elle voulait…Les attaques psychologiques étaient devenues quasi-quotidiennes : « Tu es un moins que rien ! » , « Tu es un fardeau pour nous ! », « Tu n’es pas un homme ! », etc.…

    Depuis mon admission à la retraite, son comportement a redoublé de violence. Ma vie était devenue un véritable enfer. Elle est très méchante, cupide et ambitieuse me soumettant avec l’aide de nos enfants à des privations de toutes sortes, des humiliations, de l’isolement, un harcèlement moral continu…

    -«  Mais pourquoi n’avez-vous rien tenté pour vous sortir de ce purgatoire ? », l’interrompis-je.

    -«  Il y’a un blocage dans mon esprit entre le principe de « légitime défense » et celui de ne jamais « lever la main sur une femme » !

    J’étais psychologiquement verrouillé. D’un autre coté je faisais attention à ne pas divulguer cette information par rapport au tabou que ça impliquait. J’aurais été pointé du doigt et ridiculisé.

    Insulté, blessé, puis acculé à m’exiler, à faire le « juif errant » depuis plus de 10 ans maintenant ; à vagabonder par monts et par vaux, de ville en ville, de région en région à travers toute l’Algérie ! Prenant mes repas dans des gargotes suspectes et dormant dans des dortoirs, des auberges de jeunesse, ou même des « hammams »…Dans l’impossibilité d’envisager une meilleure solution, je préfère ma solitude pour préserver ma santé et parvenir enfin à un semblant de tranquillité.

    Cette solitude, que je ne désire pas m’a été imposée. On m’a forcé à cela. Je la subis malgré moi. Je m’efforce d’être heureux comme je suis… ».

    A ce stade de la narration, il se tut un long moment s’évertuant à gérer ses émotions et à évacuer son stress. Je respectais son état d’âme en évitant de le déranger ; sachant que c’est un intense moment de défoulement salutaire pour lui.

    -«  Vivre seul, ce n’est pas évident, reprit-il, c’est plein de pièges s’il n’y’a pas une solide vie intérieure soutenue par une FOI INEBRANLABLE EN DIEU. Pour survivre en solitaire il faut être très fort, vigilant, combatif, entreprenant, prêt au défi…MAIS EST-CE POSSIBLE A MON AGE ? Je me sens abandonné et de plus en plus triste. Chacun supporte plus ou moins bien la solitude. Moi, je suis toujours seul dans ma souffrance ! MAIS PLUTOT MOURIR SEUL QU’ENTOURE DE RAPACES HOSTILES !! NOUS NAISSONS SEULS ET NOUS MOURRONS SEULS. TOUT EST TOUJOURS A RECOMMENCER ».

    A ce stade du récit, je risque une remarque :

    -« Vous n’êtes pas lassé par cette vie de bohême ? A cet âge-là, il vous faut un peu de repos et de stabilité. Vous ne croyez pas ? ».

    -«  Lassé ? Non ! Parce que je n’ai pas le choix ; je m’en vais tranquillement parmi le vacarme et la hâte, en vivant en bons termes avec toutes les créatures que le destin me fait rencontrer. J’évite autant que faire se peut les individus bruyants et agressifs.

    Je fais toujours mienne cette maxime : « HIER c’est de l’histoire, DEMAIN est un mystère, AUJOURD’HUI est un cadeau de DIEU ».

    Voyez-vous, j’ai même perdu l’habitude de me raser. Je ne possède pour toute fortune que ce cabas que voici, mes papiers d’identité et mon chéquier pour retirer ma pension de retraite le moment venu.

    J’ai coupé définitivement le « cordon » avec eux ; même mon alliance je l’ai jeté dans une bouche d’égout.

    J’ai écrit mes dernières volontés dans une lettre que je conserve dans ce cabas, à travers lesquelles j’ai émis le vœu, si je venais à décéder, d’être enterré  là où la mort m’aurait rattrapée.

    Voilà  SI EL HADJ, je vous ai tout dit sur le destin que le BON DIEU dans son immense mansuétude m’a réservé. J’espère que je ne vous ai pas trop ennuyé par cette chronique rebutante. Vous m’avez donné une bonne impression, c’est pour cela que vous êtes la première personne à qui je me confie et qui a bien voulu m’écouter avec patience et bienveillance. Je ne vous cache pas que je me sens maintenant soulagé et libéré de mes tourments et de mes peines ! Je ne sais comment vous remercier ! ».

    -« Je vous remercie à mon tour pour votre confiance. Je suis heureux d’avoir contribué  par  mon attitude  à  alléger votre « fardeau » ! Puis-je faire quelque chose d’autre pour vous aider ? ».

    -« Non, merci infiniment ! Il est temps maintenant, je dois partir pour la gare routière pour attraper le prochain bus qui ne va pas tarder à passer. AU REVOIR SI EL HADJ ET UN GRAND MERCI ! ».

    Il se leva, ajusta son bonnet sur son crane ; empoigna son cabas, me serra longuement la main, se dirigea d’un pas résolu vers la sortie du  Parc et disparut…

    Je restais là un bon moment à méditer sur cet épisode poignant dans la vie de cet homme universitaire et ancien cadre, impressionné surtout par son courage devant l’adversité au crépuscule de sa vie.

     CONCLUSION : Voilà mes chers(es) amis(es), je vous livre cette confession intégralement et en exclusivité, en m’abstenant de tout commentaire. Je l'ai laissé parler  pendant plus d’une heure sans que je ne l’interrompe. A part deux petites questions pour un besoin de cohérence et de clarté dans le déroulement du feuilleton.

     CITATION : « L’enfer est tout entier dans ce mot : SOLITUDE ».

      V. HUGO.

    Par K.HADJOUDJA 

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    Le coeur perçoit ce que l'oel ne voit pas


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