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Le piano d'Esther
C'est une histoire qui se passe dans ma belle petite ville de Miliana et que je vous fais visiter par quelques vues de la ville de Sidi Ahmed Benyoucef. J'ai même connu certains noms cités dans le livreavec d'autres de mon âge : Moh Smina, le crieur public aveugle, Ahmed Bounif
L'HISTOIRE MOUVEMENTEE D'UN MILIANAIS AVEC SA VOISINE JUIVE
Par M‘HAMMED B. LARBI, Professeur de médecine né à Miliana en 1949.*"Le Piano d’Esther" de M’Hammed B. Larbi est un roman qui oscille
entre le passé et le présent avec pour toile de fond une histoire d'amour
mouvementée. Pédiatre de formation, l’auteur M’Hammed B. Larbi, invite le lecteur à découvrir les coulisses d’une histoire d’amour incestueuse. Comme le mentionne l’auteur en quatrième de couverture, l’histoire racontée dans ce roman est celle des amours maudites : « Celui d’un Arabe pour sa voisine juive, celui d’un exilé pour sa ville avec, pour toile de fond, l’intolérance, la haine et la violence, sentiments qui composent le cortège des sociétés troublées. »Hakim est un jeune médecin qui s’installe à Marseille. Il arrive à
décrocher un poste dans un hôpital. Un jour, il sauve la vie d’une
vieille femme juive Esther. La fille de cette dernière, Hélène, ne
sait pas comment remercier ce remarquable médecin qui a sauvé
sa mère d’une mort imminente. Les visites d’Hélène ne feront que
renforcer ses liens avec Hakim.
Tombé éperdument amoureux, le couple décide de vivre ensemble
avant de s’unir par les liens sacrés du mariage. Ils filent le parfait
amour. Hélène tombe même enceinte. Une grossesse qui sera
interrompue. Cette histoire d’amour tourne à la fin au drame.
Hélène est en fait la demi-sœur de Hakim. Esther qui habitait, à l’époque, à Miliana avait eu une relation secrète avec Mohamed, le père de Hakim. Ce dernier décède dans un accident de voiture emportant le secret avec lui. Hakim se souvient, que durant son enfance, il allait très souvent, chez une voisine juive Esther qui jouait merveilleusement au piano.
A l’indépendance, elle est contrainte de quitter l’Algérie pour la France. Une double déchirure qu’elle vivra en secret.
M’Hammed Bouziane Larbi a structuré son roman en un va-et-vient entre le passé et le présent, imbriquant ainsi deux histoires. Celle du père et du fils.
La fin du livre se referme sur la mort tragique des deux amoureux.
Hélène meurt d’une fausse couche chez elle en France, tandis que
Hakim est assassiné sur la route de Miliana par une horde intégriste.
Le voyage effectué dans sa ville natale Miliana pour régler un héritage
familial lui sera fatal.
’Hammed B. Larbi "Le Piano d’Esther".
Editions Musk. Novembre 2005. 198 pages.Le piano d'Esther (extrait)
Chapitre 1
- Bon Dieu ! Pas si vite, Christian ! On va se planter. S‘écria-t-elle
en se cramponnant à son siège.
- Ne l'inquiète pas ma belle ! J'ai fait ça toute ma vie, répondit le
chauffeur en accélérant de plus belle. Il y a urgence, n‘est-ce pas Doc?Hakim ne répondit pas. Il avait fini par s'habituer. Impassible il
regardait s'enfuir les platanes du boulevard Baille, affolés par les
hurlements de l‘ambulance du SAMU13 dont le gyrophare
ensanglantait les immeubles endormis. Dans un crissement à
faire pâlir d‘envie un ingénieur du son, le véhicule s‘arrêta, à la
grande joie de Mary-Jo, devant le 43 rue Paradis, une artère
qui n‘en finissait pas d‘étirer à travers Marseille.
Les trois urgentistes, s‘engouffrèrent dans le hall d‘un immeuble
vétuste et, chargés de leur matériel, se lancèrent à l‘assaut de
l‘étroit escalier qui les mena au troisième étage. Une jeune
femme les attendait sur le palier.
- Merci d'être venu si vite, s'exclama-t-elle d'un ton oppressé.
Une grande inquiétude n'arrivait pas à enlaidir son visage
illuminé par de grands yeux noirs.
- Maman vient d‘avoir une attaque, leur dit-elle en les précédant
dans le spacieux appartement. Nous étions en train de
dîner en regardant la télévision quand elle s'est effondrée :
je crois que c'est son coeur !
Ils entrèrent dans une chambre â la suite de la jeune femme dont
la longue chevelure noire dansait au rythme de son empressement.
Sur le lit, était allongée une vieille dame. Hakim eut, en la
regardant une étrange sensation. Ce visage qui reflétait une
grande souffrance comme en témoigne la crispation qui le déformait,
se faufila dans sa mémoire. Il connaissait cette dame au teint
cyanosé dont les narines se pinçaient à chaque inspiration et
dont la poitrine se soulevait avec peine, comme écrasée sous
un poids énorme. Il connaissait ces mains diaphanes aux
doigts interminables. Il connaissait ces longs cheveux
envahis de grisaille qui disaient leur détresse de n‘avoir pas
pu résister au temps. Hakim sentit les signes avant-coureurs
du grand voyage. Il ferma les yeux très fort. Le frisson
commença son invincible cheminement le long de l‘échine.
Lorsque l'étreinte fut complète, enserrant la tête et
envahissant le cerveau. Le médecin prit le chemin de son passé.Chapitre 2
Les maisons ont-elles une mémoire Que ressentent-elles
à la veille de leur destruction ? Le film de leur vie se déroule-t-il
devant leurs yeux comme cela se passe pour l'homme ?
Hakim avait bien souvent, vécu ces moments de vérité,
brefs et intenses, pendant lesquels, les notions
fondamentales de l'existence prennent le dessus sur les
futilités qui empoisonnent le quotidien des êtres humains.
Très tôt, il avait fait la connaissance de l'odeur âcre et
fétide de la mort. Sa prime enfance en a été fortement
imprégnée. Il savait que le point filial, l'aventure ultime
pouvaient survenir â tout instant. Il avait appris, au décours
de ces fractures du destin que les seules certitudes
étaient celles générées par l‘amour et la tolérance.
Debout devant la grande porte noire et muette, annoncée
par deux grandes marches en ardoise ébréchée,
Hakim se posait toutes ces questions tandis sa main,
moite d'émotion, étreignait la grosse clé en fonte que
venait de lui remettre la voisine chargée de veiller sur
la vieille dame, déshabitée depuis presque trente ans.
Avant de l'introduire dans la serrure, il se tourna vers
la maison d'en face, là où il avait passé les moments
les plus étonnants de son enfance, auprès de celle qui
l'avait nourri d'affection et de musique, celle qui l'avait
serré dans ses bras avant d'entamer son chemin
de croix, chassée par les tremblements de l'histoire,
le laissant au seuil d'une existence d'orphelin solitaire,
errant de familles d'accueil en internats, de
chambres de bonne en foyers universitaires.
Le camion de l'exil avait, plus d'une fois stationné là,
au bord de l'étroit trottoir. C'est étrange! On s'en va
toujours à i'orée du jour pour conjurer le sort,
comme pour faire du départ une renaissance,
alors qu'il s'agit d‘une déchirure mortelle.
L‘enfance de Hakim avait été cisaillée par
plusieurs départs. Cela se passait toujours de la
même façon. Le petit garçon avait appris à
reconnaître les prémices du grand chambardement.
Mohamed, son père, rentrait le soir, l'air sombre
et préoccupé. II répondait très distraitement aux
sollicitations ludiques de son enfant unique,
avalait rapidement son repas et s'enfermait dans
sa chambre. Cela durait deux au trois jours, puis un
matin, la quiétude familiale, était rompue par les
éclats d'une grande dispute sous le regard apeuré
du petit ;
- Partir ? Encore ? Partir pour aller où cette fois ?
- Là où je pourrais trimer pour vous apporter la pitance
que vous avalez !
- Tu ne vas pas me dire que tu as quitté ton travail à la mine?- Je n'ai pas quitté cet enfer ! On m'a mis à la porte, tu
comprends, mis à la porte. Je ne peux plus descendre
au fond, car il n‘y a plus rien à gratter dans cette maudite
mine qui a tué mon père et le père de mon père.
Elle ne m'aura pas, moi aussi, cette mangeuse d'hommes.
C'est un signe du destin et notre destin est ailleurs.
Alors ne discute pas et emballe les affaires. Je vais
m‘absenter deux ou trois jours et quand je reviendrai
je veux que tout soit prêt. Tu as compris ?
- Je suis maudite, reprenait de plus belle Kheira, la
maman de Hakim ! Mille fois maudite ! Ya Sid Ahmed
Benyoucef (Saint Patron de Miliana), pourquoi m‘as-tu
infligé une destinée pareille. "Pourquoi me fais-tu souffrir
depuis mes treize ans ? Je n'ai même pas eu le temps
de vivre mon enfance."
- Tu as fini de te plaindre, cria Mohamed en se levant, l'air
furibond ! Tu crois que je mène la belle vie ? Un fils solitaire,
une femme qui n'a pas su me donner d'autres enfants et qui
passe sa vie à geindre '
- Ce n'est pas de ma faute si la tuberculose est passée par là !
Et toi qui n'es jamais là ! J'ai été malade comme une chienne !
J'ai craché mes poumons devant l'Œil indifférent de
Lalla Zéhira qui ne répondait qu'à la voix suave de
son mari, le caïd gras et libidineux, toujours vautré dans son lit
à baldaquin avec pour seule occupation son chapelet et ses
incantations, ce gros lard qui passe son temps, à guetter du
coin de l'oreille le bruit des persiennes de la maison d'en
face pour se précipiter dans l'espoir d'apercevoir Esther la catin.
- C‘en est trop, tu dépasses les bornes, hurla Mohamed en
levant la main ! Tu vas la recevoir ta tannée …
A ce moment un piano se mit à égrener ses notes. La musique
traversa la rue, envhit la pièce et couvrit de son harmonie les
vociférations et les cris, opposant sa magie à la violence
des gestes, retenant la main de l‘homme dont le visage se
transforma comme sous l‘effet d‘un enchantement. Tous les
protagonistes du drame naissant se figèrent : les mouches
s‘arrêtèrent de voler ; le crieur public aveugle qui se tenait
au coin de la rue de Tanger ravala son tonitruant « sardines
au marché » ; le cheval harassé condamné à traîner le
tombereau de l‘éboueur stoppa au milieu de la chaussée ;
l‘éboueur oublia de lever son fouet sur la bête ; les
gamins de la houma (quartier) suspendirent leur partie
de foot et retinrent leurs grossièretés au portillon de leurs
bouches adolescentes ; Ahmed Bounif, le chef de la
bande qui s'imposait à ses camarades plus par sa
force que par son intelligence desserra ses doigts
d‘autour de la gorge de Moh Smina, son souffre-douleur
qui commençait à suffoquer ; P'tit Poucet qui s' imposait
plus par sa ruse que par sa corpulence détourna les
yeux de la bagarre ; Omar le harki qui accompagnait
les parachutistes en patrouille ne vit pas Khaled le
collecteur de ronds destinés aux maquisards, qui
passait pourtant tout près de lui ; Yamna pensait
fort â Salim son amour d'enfance qui l'avait quittée
pour un amour plus puissant en prenant les armes ;
Baya la voyante laissa tomber la main de Jeannine
à qui elle prédisait une longue vie d'amour et
de fortune ; Jeannine la blonde maîtresse du
commissaire de police prit un air alangui face à
son miroir qui ne se lassait pas du spectacle, de la
poitrine généreuse et provocante à l'étroit dans
la sortie de bain rose bonbon, cadeau de
Si Belgacem le commerçant ; celui-ci stoppa
son élan vers le bar de Gonzalez où l'attendait
sa bouteille d'anisette ; Monique la serveuse
laissa tomber le verre qu'elle était en train de
laver ; les vieux, assis sur les bancs à l'ombre
des platanes de la pointe des blagueurs semirent à sourire béatement et se détournèrent de
leur partie de cartes ; les oiseaux à l'abri des
feuillages cessèrent leur chant ; le Zaccar,
montagne déflorée et stérile, se pencha un peu
plus sur la ville en faisant trembler le mausolée
de Sidi Abdelkader, ; la ville oublia de regarder
la plaine du Chellif du haut de sa morgue acquise
pour avoir été le fief de l'Emir ;décida de ne pas donner l'heure pour ne pas gêner
la mélodie ensorceleuse qui prenait possession
de la ville et des hommes : Esther, la belle juive au
cheveux noirs, s'était mise à son piano.
caramel
Une amie internaute de France qui n'oublie pas sa ville Annaba où dit-elle elle a vécu ses plus belles années :
merci Ghadames pour cette belle et triste histoire
je vais m'empresser d'acheter ce livre, car la lecture
est une de mes passions, avec la cuisine et les animaux !______________________________
Le cour perçoit ce que l'oeil ne voit pas
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Commentaires
1ael karim benmounaSamedi 28 Juillet 2018 à 11:01Excellente histoire tirée du roman de Mhamed ben Larbi.peut ont trouvé ce roman en Algérie ?Répondre-
gadamesSamedi 28 Juillet 2018 à 15:15
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