• artistes en détresse

     

    Mon Coup de Gueule

    Un écrit de Mr Mohamed-Seddik LAMARA, ex-journaliste à Algérie Presse Service (APS)                                         et Collègue de mon feu frère Ahmed peintre amateur et sculpteur sur bois (il m'a laissé                                     un coucher de soleil sur la mer et une statuette grandeur nature d'un salut scout) ,                                          Lah Errahma et en son souvenir..

     Elles, Ils chantent, mais...

     

    La Cigale, ayant chanté
    Tout l'été,
    Se trouva fort dépourvue
    Quand la bise fut venue :
    Pas un seul petit morceau
    De mouche ou de vermisseau.
    Elle alla crier famine
    Chez la Fourmi sa voisine,
    La priant de lui prêter
    Quelque grain pour subsister
    Jusqu'à la saison nouvelle.
    « Je vous paierai, lui dit-elle,
    Avant l'août, foi d'animal,
    Intérêt et principal. »
    La Fourmi n'est pas prêteuse :
    C'est là son moindre défaut.
    « Que faisiez-vous au temps chaud ?
    Dit-elle à cette emprunteuse.
    — Nuit et jour à tout venant
    Je chantais, ne vous déplaise.
    — Vous chantiez ? J’en suis fort aise.
    Eh bien ! Dansez maintenant. »
    — Jean de La Fontaine

    VOL AH 6132 ALGER – BECHAR : RENCONTRE AVEC LA DIVA DU « GNAWI »

    Le bel adage qui dit : « rouba soudfatin khayroun min alfi mi’ad »                                                                                                        (il se peut qu’une rencontre due au hasard, vaille mille rendez-vous !)   

    J'’ai eu l’heur et le bonheur de le vérifier en cette journée du 17 avril 2O17 sur le vol AH 6132 ALGER – BECHAR. Une journée, toutefois, dès l’aube, parsemée de moult tracasseries inhérentes , entre autres, aux surréalistes embouteillages sur la sinistre RN 5, l’accès au parking de l’aéroport envahi par des véhicules stationnés dans une indescriptible pagaille, et cerise sur le gâteau…un retard de près de deux heures sur l’heure de départ fixée à dix heures.
    Dans l’aérogare, à l’enregistrement et dans le car surchauffé, portes et fenêtres fermées, bondé de passagers trépignant de rage, le calvaire s’exacerbait. Sur le tarmac, face à un ATR poisseux venant tout juste d’atterrir, il nous fallait encore poiroter une vingtaine de minutes, le temps de ravitailler l’appareil et de charger les bagages. La colère monte. Les bébés incommodés par l’humidité et la chaleur vagissent a tue tête.
    Enfin les portes du bus s’ouvrent libérant la foule de l’étuve sur quatre roues. Une vieille dame drapée dans un pagne et portant un chèche au blanc immaculé, le visage noir à moitié couvert de grosses lunettes de soleil, avait toutes les peines du monde à descendre. Deux jeunes l’aidèrent avec grande prévenance à descendre. J’ai entendu l’un deux lui dire avec douceur : « doucement el Hadja Hassna, agrippe toi bien à bon bras, c’est la dernière marche. » On lui ouvrit le passage pour lui permettre de grimper la première sur le trolleybus volant !
    La vieille dame tout de blanc parée et la femme d’un certain âge qui l’accompagnait prirent place sur la rangée arrière adossée à la cabine de pilotage. En passant près d’elles, mon regard s’attarda sur la première dont le visage noiraud était éclairé par le hublot. « Mais je la connais celle-là », me suis-je dit très confiant en mon infaillible mémoire visuelle ! Près du réduit réservé aux stewards j’ai fait exprès d’attendre que tous les passagers prennent leurs places. Entre temps, j’avais pris la liberté de causer avec les premiers pour leur demander les causes de ce long retard dont les voyageurs continuaient à maugréer. 
    L’hôtesse de l’air esquissa un haussement d’épaule accompagné d’un sourire-rictus désolé et le steward un écarquillement des yeux appuyé par une moue des plus dubitatives. J’avais tout de suite compris qu’il ne fallait pas poursuivre la discussion. Une fois le calme revenu dans les travées de l’aéronef, je me suis approché de la vieille dame qui finissait de s’essuyer le visage perlé de grosses gouttes de sueur. La climatisation faisait cruellement défaut.

    Mu par l’élan professionnel, j’ai osé « l’importuner » pour lui demander tout de go : « ne seriez-vous pas Hassna el Bacharia, la perle du gnawi et de la Saoura ? » Nullement dérangée par ma question, elle me répondit souriante de sa voix éraillée rappelant celle des gospels : « wah w’lidi anna hiaya, wa enta chqoun ? » Une fois les présentations faites, elle m’apprit qu’elle avait été invitée par le ministre de la culture pour prendre part aux cérémonies du 16 avril consacrées à la célébration de « Youm El ‘ilm ».
    De fil en aiguille, elle me confia qu’elle ne pouvait rater cette exceptionnelle occasion à la faveur de laquelle les autorités se sont rappelées d’elle pour l’honorer. Mais, ce faire valoir lui importait peu ou prou. « Je tenais à mettre à contribution cette fête pour sensibiliser les autorités sur la détresse dont je pâtis à l’orée de la décrépitude, après avoir donné le meilleur de moi-même à la culture nationale, me voilà aujourd’hui, démunie malade et croupissant dans un taudis », a-t-elle tenu à préciser avec, à la fin, un long soupir qui en dit long sur le poids des épreuves qui ne cessent de la poursuivre depuis son enfance.   

    Rey Malek de ma prime jeunesse qui faisait parler le OUD,
    qui fréquenta le Roi du Maroc Mohamed V et 
    qui mourut dans le besoin alors qu'il souhaitait qu'on
    l'aide à ouvrir une simple Ecole de Musique à Laghouat


    Elle me confia encore qu’elle avait remis une lettre à M. Azeddine Mihoubi sollicitant de sa part une intervention auprès du wali de Béchar dans l’espoir de se faire attribuer un logement pour y passer, dignement, les derniers jours de sa vie. Je ne pus résister à la tentation de fixer ce moment historique par des photos et une vidéo jointe à cette contribution. Pris sur le vif, elles sont de loin plus exressives que mes dires.
    Une fois arrivé à Béchar pour rendre visite à un ami intime malade, et une fois mon devoir accompli, je me suis empressé avec l’aide d’un taxieur de me rendre au quartier où réside la diva du gnawi. Un quartier ? C’est trop dire ! Le taxieur stoppa au milieu d’une rue défoncée logeant la berge de l’oued Béchar et me montra du doigt le gourbi dont un pan était déjà en ruine. « C’est là qu’habite la grande Hassna El Bacharia » me dit-il, sans ajouter un mot. Nous nous fixâmes des yeux dans un grand silence. Un silence qui parle. Avons-nous tout dit sur la détresse des artistes ? Que non ! Hassna a tout dit ! Peut-être pour la dernière fois. L’âme en peine, j’ai prié mon compagnon de me conduire jusqu’à l’aéroport « Colonel Lotfi BOUDGNEN » pour prendre l’avion retour sur Alger. ....

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    Le coeur perçoit ce que l'oeil ne voit pas


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